Anglet, Pays Basque (24/08) - Le nonuple champion du monde a livré son analyse sur la restructuration du championnat qui interviendra après l'épreuve de Tahiti.
Au cours de l'étape du Billabong Pro J-Bay, les discussions dans la zone de compétition concernaient surtout la restructuration de l'ASP World Tour après l'épreuve de Tahiti. Chaque compétiteur a sa propre opinion quant au fait de réduire le nombre de surfeurs de 45 à 32. Rien de surprenant : le Top 45 existe depuis 1992, les carrières seront affectées, les moyens d'existence menacés, les compétitions raccourcies... Une grosse affaire !
A la suite de sa défaite prématurée à Jeffrey's Bay, Surfline est parti à la recherche de Mr Robert Kelly Slater, nonuple champion du monde qui a commencé à concourir sur le tour et à gagner des titres mondiaux en 1992, afin d'obtenir son opinion sur la question.
Surfline : Je suis certain que pour toi, toujours dans le haut du classement, cette réorganisation ne t'empêchera pas de rester sur le circuit ; mais nous voulions savoir ce que tu penses des répercussions que celle-ci pourrait avoir sur le bassin de talents en général. Un grand nombre de très bons surfeurs n'est jamais parvenu à ce stade sur le tour, et aujourd'hui l'ASP décide de retirer 16 d'entre eux du « Dream Tour ». Les gars ont des opinions mitigées sur la question. Qu'en penses-tu ?
Kelly Slater : Mon opinion n'a pas changé au fil des années : je pense que nous sommes trop nombreux sur le tour. Les meilleurs surfeurs se retrouvent inévitablement en quarts de finale. C'est à ce moment là que l'on voit le meilleur surf. Au second tour, j'ai l'impression que les gens - y compris les surfeurs - veulent que la compétition démarre enfin réellement. Mais, tu sais ce qui va se passer... c'est difficile à dire parce que c'est très profond, et il y a beaucoup de personnes qui ne sont pas sur le tour que je voudrais y voir, mais réduire le nombre de surfeurs va rendre le tour encore plus dur pour un gars qui est généralement un grand freesurfer. Nous allons probablement perdre quelques très grands surfeurs cette année ? des novices ou encore des surfeurs qui essayent de se mouiller les pieds et qui se relâchent. Alors au lieu de croire qu'ils peuvent réussir, ils essaient simplement de faire ce qu'ils ont à faire pour sauver leur peau à mi-parcours, pour de nouveau essayer de sauver leur place à la fin de la saison. La pression qu'ils subissent est forte.
Surfline : Alors, il te fallait déjà être dans le top 16 ou peut-être les 20 premiers pour te sentir en sécurité sur le « World Tour » et désormais, c'est encore plus difficile.
Kelly Slater : Ouais, mais tu sais, cela étant dit, si tu gagnes quatre manches tu peux y arriver.
Surfline : Tu veux parler de quatre manches au cours d'une seule compétition ?
Kelly Slater : Non, sur le cours de toute une année ! Même si tu ne gagnes juste qu'une série à chaque compétition, il est très probable que tu rejoignes l'élite. Et si tu ne peux pas gagner une série par compétition... alors qu'est ce que tu fais ?
Surfline : Tu ne serais pas là où tu en es aujourd'hui ?
Kelly Slater : Et bien, je ne sais pas si j'y serais parvenu, mais il y a quelque chose qui t'empêche de donner le meilleur de toi-même. Tous les surfeurs de ce tour devraient pouvoir remporter, à un moment ou à un autre, des séries dans une compétition car c'est un tour avec du niveau et de l'intensité. J'ai regardé beaucoup de bons surfeurs, Dusty évidemment, des gars comme Nate Yeomans ou encore les frères Gudauskas : ces gars ont eu tendance à avoir des tirages vraiment difficiles cette année, c'est donc forcément pénalisant pour ces jeunes talents. Cela rend le tour plus difficile et je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure chose, mais je ne vois pas comment nous ferions autrement.
Il y a quelques propositions pour changer le mode de classement et vous pourriez avoir une tête de série qui n'a pas bien surfé dans une compétition précédente et qui, si c'est le cas, devrait donc sans doute descendre au classement, et les plus mal classés ne le rencontreraient pas forcément ? il tomberait alors sur un surfeur de milieu de tableau.
C'est dur, mais à la fin de la journée nous essayons de réduire logistiquement nos évènements pour que nous puissions utiliser trois jours dans un événement. Je ne sais pas s'il y a une autre solution qui permette à chacun d'avoir assez de temps pour surfer. Donc c'est une chose délicate. Nous allons tous perdre des amis sur le tour et même des gars qui valent vraiment le coup sur ce tour, mais je sens depuis des années que nous avons trop de gars en jeu du simple fait qu'on nous force à surfer dans une houle qui se meurt.
Surfline : Mais cela laisse peu de place à l'erreur. Que tu aies un tirage difficile, que tu tombes dans une mauvaise série, que tu sois blessé et rates une ou deux compétitions. C'est aussi dur que ça désormais ? et en réduisant le nombre c'est comme si tu ne pouvais plus te permettre que quelque chose aille mal. Les têtes de série tombent contre les « wildcards » et les moins bien classés, et c'est comme si ces gars qui sont au top étaient protégés et pouvaient le rester ? tandis qu'en bas du classement les changements sont permanents. Donc, les moins bien classés finissent par travailler deux fois plus dur parce qu'ils tentent de combler leurs points avec des résultats aux QS.
Kelly Slater : C'est une réponse difficile. Il n'y a aucune réponse facile. Mais à la fin de la journée c'est un de ces quatre gars qui s'en va, même si la mayonnaise prend - et c'est 'un si', parce que comme tu l'as dit, il y a des tirages difficiles et les gars peuvent connaître des moments de malchance, des blessures ou des pertes de confiance, ou peut-être qu'ils n'ont pas le niveau face à ces vagues. Par exemple, nous avons beaucoup de droites et il y a pas mal de « goofies » sur le tour. Un tour qui, peut-être, ne favorise pas ces personnes. Yeomans a bien surfé ici à la J-Bay ainsi que Bobby, de ce que j'ai vu, mais tu as Snapper qui ne favorise pas vraiment les surfeurs « backside » ou encore Bells qui n'avantage pas vraiment les « goofies ». Je ne suis pas si sûr en ce qui concerne le Brésil. Je crois que les vagues au Brésil n'ont avantagé personne ? simplement, elles étaient vraiment difficiles à surfer. C'est difficile tu vois, j'aimerais qu'aucun surfeur ne quitte le tour, mais j'estime aussi qu'il y a trop de personnes sur le tour. Regarde, le surf est le produit de l'ASP et pour avoir le meilleur produit tu dois prendre la direction la plus juste. Qui sait quelle est la réponse parfaite ?
Surfline : En est-on au niveau expérimental ? L'ASP a tourné autour depuis la fin des années 80 ou au début des années 90.
Kelly Slater : Et bien, vraiment depuis environ 1991-1992, lorsque je suis arrivé sur le tour. La première année où j'ai débuté sur le tour, nous étions dans la situation "la meilleure des 3", où tu surfais 3 séries de 3 surfeurs et les 16 meilleurs de ces séries se retrouvaient dans la manche juste avant les quarts. C'était quelque chose de vraiment bizarre. On a eu ça pour 2 compétitions seulement et si tu perdais tes 2 premières manches, tu n'avais aucune chance de faire partie des 16. Ce qui est injuste pour le bas du classement d'un tirage. Maintenant nous soumettons des idées sur cette question et nous essayons de construire avec les meilleurs d'entre elles.
Surfline : Mais tu es plutôt d'avis que moins de surfeurs, plus de jours, un surf de qualité ? « that's the way to go » ?
Kelly Slater : Je crois que cela se confirme par l'histoire. Même à Teahupoo, nous avons eu deux ou trois années médiocres, et si nous avions eu un jour de moins de surf, nous aurions eu de bonnes vagues pour tout le monde. Nous n'avions qu'à enlever ce supplément de demi-journée, c'est donc simplement un problème de temps et de timing. Il ne s'agit pas tellement d'essayer de se débarrasser d'individus, il s'agit surtout de gérer le temps d'une compétition. Tu sais si l'on pouvait utiliser les séries 'overlap' à chaque évènement, alors on pourrait sauver une demi-journée en plus dans chaque compétition. Nous pourrions probablement même enlever un jour et un peu plus à chaque évènement. Cependant, les surfeurs sont réticents pour le faire car les gars de chaque série pourraient se chercher entre eux s'ils le veulent. Et si un gars fait une série épouvantable et venait à la perdre, et qu'il rencontre un gars de l'autre série, comment fais-tu pour réparer cela ? Comment rends-tu justice ? Donc je ne sais pas, nous essayons simplement de faire du mieux possible avec les choix qui nous semblent les bons.
Surfline : Comment cela va-t-il affecter les « wildcards » ?
Kelly Slater : Nous aurions encore le même nombre de « wildcards » - trois ou quatre. Je crois que c'est quatre maintenant. Cela devrait être 32 gars plus quatre - un gars de l'ASP et trois « wildcards ». En fait, les chiffres avantagent les wildcards parce qu'il y a plus de wildcards comparés au nombre de surfeurs sur le tour.
Le regard très loin en avant, toujours...
Interview réalisée par Craig Ritchie
Traduction : Nicolas Delalande
Crédit photos : Alan van Gysen et ASP/Cestari
Source : www.surfline.com
Powered by Mat
Envoyez-nous vos photos, vidéos, actualités à l'adresse suivante
contact@surf-report.com
contact@surf-report.com