Cette année, la redac’ de Surf-Report a décidé de vous faire rêver ! Et quoi de mieux que de commencer l’année avec un road trip des plus belles vagues du monde. Chaque semaine nous interviewons un surfeur pro ou amateur, un photographe ou un grom… qui nous raconte son aventure sur une vague mythique. Cette semaine, le surfeur basque Stephane Iralour nous parle de la vague géante basque, Belharra.
Belharra Perdun plus connue sous le nom de Belharra porte son nom en référence à l’éperon rocheux lui permettant de se former. Située au large de la Corniche basque, elle n’apparaît que lors de grande marée. Une forte houle frappe cet éperon sous-marin qui permet la formation d’une vague de plus de 10 mètres de haut. La vague casse vraiment loin du bord, lorsque qu’on la regarde de la corniche on peut apercevoir les mousses et deviner les jet-skis et les embarcations.
Belharra est une vague avec du caractère qui ne déferle que rarement et surtout ne se surfe pas à l'improviste. Ce spot est inaccessible à la rame et nécessite une excellente condition physique pour être ridé. Avec l’immensité du line-up, on ne sait jamais où la série va casser, ce qui fait la difficulté de cette vague à sensation. Ce n’est certes pas Jaws au Teahupo’o mais elle a une notoriété de plus en plus forte et un caractère bien à elle qui en fait l’une des meilleures big wave d’Europe. Stephane Iralour, nous raconte son aventure sur cette vague mythique.
OSR : Pour toi quelle est la plus belle vague du monde ?
Stephane Iralour : De toutes les vagues magnifiques que j'ai eu la chance de surfer tout autour du monde, j'aurai beaucoup de mal à en départager deux... La première, découverte en 2010 aux Mentawaii avec quelques uns de mes meilleurs amis, nous l'avons baptisée "Fourass point" ; elle correspond à tout ce que j'aime dans le surf ou dans le SUP : un pic parfait, quelques potes en maillot seuls au monde qui se mettent des gros barrels toute la journée et refont le monde le soir sur le deck d'un bateau en buvant quelques bières... Nous essayons d'y repartir aussi souvent que possible ! L'autre évidemment tu t'en doutes, c'est Belharra.
OSR : Qu'est-ce qu'elle a de si particulier ?
Stephane Iralour : Tout d'abord Belharra est au Pays Basque donc à la maison et c'est une vraie fierté. Je trouve qu'elle résume assez bien notre culture : caractérielle, imprévisible, pudique mais aussi puissante et tellement généreuse... Quelque part elle a définitivement orienté ma vie de surfer et ma passion pour le surf de grosses vagues depuis maintenant une douzaine d'années. C'est pour moi le lieu de toutes les aventures, de toutes les découvertes, l'endroit où l'on s'est forgé des expériences mémorables avec des pionniers comme Max Larretche, Peyo Lizarazu, Michel Larronde, Yan Benetrix, Seb St Jean, Pilule, Philippe Toulan ou encore Fred Basse et Sancho. Des gars pour qui j'ai un immense respect. Voir la jeune génération venir humblement y faire ses armes est aussi un régal. Et puis c'est la vague qui a construit ma relation avec Éric Rougé, mon partenaire. On a partagé tellement de choses grâce à ce spot durant toutes ces années ; il est devenu un véritable grand frère, un très grand frère (rires)... Quand tu vois encore ce qu'il a accompli cette année, à 56 ans, c'est juste inimaginable !
OSR : Te rappelles-tu de la première fois où tu l'as surfé ? Peux-tu nous raconter ?
Stephane Iralour : Je n'ai pas une grande mémoire des dates mais il me semble que c'était une fin de journée en 2003. Cette sensation de puissance de la vague, la vision du Jaizkibel rentrant tout entier dans le tube de profil, le tout en pleine mer à 3km... Au delà de la vitesse, du bruit et de la force de l'océan, l'adrénaline aidant, je suis tombé amoureux du lieu ! Et la magie opère encore aujourd'hui... Même si je regrette un peu la surmédiatisation de ces dernières sessions, dont on porte une part de responsabilité, ou encore l'attitude de certains s'empressant de poster sur les réseaux sociaux une photo d'eux en train de faire un drop à l'épaule genre "je suis un bigwave rider, j'ai dompté le monstre"... Belharra mérite un peu plus de respect.
OSR : Quel est ton plus beau souvenir sur cette vague ?
Stephane Iralour : Définitivement une session en 2009. On était arrivé un peu avant tout le monde avec Éric, Christophe Etcheber et Richard Marsh. Les vagues étaient gigantesques. Même si je suis incapable de donner une taille sur ce spot, c'est peut être les plus grosses que j'ai vu là bas...L'ambiance était pesante, le ciel bas, gris et la mer lisse comme un miroir. Tout d'un coup alors que l'on remonte au pic, une vague énorme, sortie de nulle part nous déboule dessus. Éric fait demi-tour, me catapulte à l'intérieur et je me retrouve en train de faire un drop un peu late sur un monstre, tubulaire et donc ultra pentu... Rien que de repenser à ces sensations aujourd'hui encore j'en ai la chair de poule. Malheureusement, comme on était les premiers, je n'ai jamais une seule image me permettant de garder un souvenir de ce drop...mais bon cette vague est dans nos têtes à tous les 4 et ça nous ressemble aussi un peu (rires).
OSR : Quelle a été ta plus grosse frayeur sur cette vague ?
Stephane Iralour : Le 23/12 dernier j'ai pris une bonne secouée après avoir dérapé en bas de vague à cause d'un clapot. Un haut-bas, 2 vagues sous l'eau et une cinquantaine de secondes de machine à laver plus tard, je refaisais surface. En revoyant les images, ça m'a impressionné mais quand tu te prépares physiquement et mentalement pour ça, sur le moment tu gères ton wipeout et tu ne penses pas à ce qu'il t'arrive... Du coup ma plus grosse frayeur à Belharra, c'est Eric qui me l'a procurée il y a quelques années ! Après avoir démarré sur une vague il décide de sortir car pas assez grosse. Le temps de faire demi tour avec le jet et je vois sa grande sœur derrière...au moment où j'arrive pour le récupérer, c'est déjà un peu chaud. Pour je ne sais quelle raison il ne monte pas sur le sled et quand je me retourne je vois une vague d'au moins 15m lui péter littéralement dessus, à la zone d'impact ! Pour moi à ce moment là je sais qu'il est en grand danger, je pense même au pire en le cherchant pour le récupérer avant la suivante... Et puis je finis par le charger sur le sled, plutôt KO mais suffisamment vivant pour penser que je vais le laisser repartir surfer une fois récupéré alors qu'on en avait bien profité cette fois là avec plus de 4h dans l'eau. Il m'a donc fallu à la fois le sauver mais aussi le raisonner dans une même session...pas une mince affaire (rires).
Merci à Stephane Iralour pour son récit !
Source photos Belharra : Salernophoto.fr