Moins connu et représenté en France qu'il peut l'être ailleurs sur la planète, le sauvetage sportif est bel et bien pratiqué le long des littoraux français. Julen Marticorena fait partie de l'élite de ce sport, qu'il pratique depuis l'âge de six ans sur les plages du Pays basque. Sa pratique en compétition lui a permis de voyager pour se mesurer aux athlètes qui pratiquent également ce sport à haut niveau. Actuellement entre la Nouvelle-Zélande et l'Australie, Julen nous a accordé un entretien, au cours duquel il revient sur ses débuts dans ce sport, les valeurs qu'il véhicule, son palmarès, ses objectifs en compétition et son attachement aux plages de Biarritz, là où il a tout appris. Champion de France, d'Europe et du monde, le Français s'est illustré de nombreuses fois dans son sport. Il pratique également le surf, le bodysurf, le longboard, le kneeboard.
Arthur Picard, son meilleur ami, a suivi Julen au cours de sa saison 2020-2021, lors de ses entraînements et des compétitions auxquelles il a participé. Ce qui a donné "Itzala" le premier documentaire français à mettre en lumière avec brio le sauvetage sportif vu de l'intérieur, au plus près de ce qu'il est, tout en soulignant les valeurs humaines et environnementales qui irriguent cette discipline qui, finalement, est bien plus que cela. Au delà de son aspect sportif, le sauvetage est un mode de vie, de penser et d'aborder le monde, en perpétuelle connexion avec l'océan.
Entretien.
Surf Report - Quand et comment as-tu commencé le sauvetage ?
Julen Marticorena - « J'ai commencé le sauvetage sportif à l'âge de six ans pour différentes raisons. J'ai d'abord découvert le surf grâce à ma soeur qui en faisait en stage l'été et j'ai voulu la suivre. Cependant, l'océan reste un élément dangereux, même lorsqu'on le connait bien. Mes parents voulaient absolument que je me familiarise avec le monde aquatique, que j'apprenne à identifier les différents dangers et que je me mette en sécurité. Alors, par le biais de mes cousins sauveteurs sur les plages de Biarritz, ils ont entendu parler de ce groupe de sauvetage sportif et ils nous y ont inscrits, ma soeur et moi.
Surf Report - Pourquoi aimes-tu ce sport ?
Julen Marticorena - J'aime ce sport pour sa diversité, on évolue dans toutes les conditions et avec différents supports. Pour ce qui est des valeurs véhiculées par le sauvetage sportif, il y a les valeurs humaines, l'esprit d'équipe, le respect de chacun, l'entraide et le partage. Mais il y a aussi celles qui touchent à l'océan et ses bienfaits, le fait de respecter tous ceux qui le pratiquent et la protection de l'environnement.
Surf Report - Le sauvetage sportif compte de nombreuses disciplines, quelles sont tes spécialités ?
Julen Marticorena - Mes spécialités en sauvetage sportif sont le paddleboard et l'oceanman, qui sont les deux épreuves reines de ce sport.
Surf Report - Quand as-tu commencé la compétition et quel rapport entretiens-tu avec celle-ci ?
Julen Marticorena - J'ai commencé la compétition très jeune, à sept ans il me semble. J'ai toujours eu l'esprit de compétition, déjà à la maison avec ma soeur. Et lors de mon arrivé dans le milieu du sauvetage, j'ai immédiatement accroché avec ce sport et avec la compétition, qui me permet d'évoluer, d'apprendre, de me challenger avec les plus grands. Je pense que la compétition a toujours fait partie de moi, je veux être le meilleur.
© Arthur Picard
Surf Report - Peux-tu nous parler de ton palmarès ?
Julen Marticorena - En quelques mots, mon palmarès se résume à un titre de champion du monde en individuel en 2019 sur le 5km, deux titres de champion du monde longue distance en relais en 2019 et en 2022, deux titres de vice-champion du monde longue distance sur le 18km et le 5 km en 2022. Pour ce qui concerne le sauvetage sportif, j'ai remporté de multiples titres et médailles sur les championnats de France en paddleboard et en relais, plusieurs titres de champion d'Europe en paddleboard et en relais également et une troisième place aux Championnats du monde interclubs en junior 2016, en paddleboard.
Surf Report - C'est un sport très complet, qui nécessite beaucoup d'entraînements dans différentes disciplines, comment organises-tu ton quotidien ?
Julen Marticorena - En effet, c'est un sport très complet, qui demande de savoir nager, courir, ramer sur une planche, sur un kayak cela, peu importe les conditions et sur un support instable et fatiguant qu'est le sable. Ça demande effectivement beaucoup de temps et donc un emploi du temps très chargé. Généralement, les journées commencent tôt, aux alentours de 6 heures du matin et peuvent se terminer tard, vers 22 heures. Et cela six jours sur sept, ce qui laisse peu de temps pour d'autres activités. Certains voient cela comme un sacrifice de mes plus belles années mais personnellement je ne vois pas les choses de cet œil là. Je fais ce que j'aime et je suis motivé pour le faire. C'est ce qui m'anime et j'ai la chance d'avoir des amis qui sont dans la même optique que moi.
Surf Report - Comment est né le projet Itzala ? Est-ce important pour toi de rendre ce sport plus visible ?
Julen Marticorena - Le projet Itzala est né au Portugal, lors d'un surf trip avec Arthur Picard, mon meilleur ami et fidèle acolyte, que je connais depuis mes débuts en surf. Arthur avait pour idée de réaliser une vidéo dans le style des clips de surf mais avec pour objet le sauvetage sportif pour promouvoir notre sport et aussi pour répondre à une question que beaucoup se posaient : que font ces jeunes, vêtus d'un maillot speedo et d'un lycra trop petit, sur la plage à 7 heures du matin, alors qu'il pleut et que l'océan est déchaîné ? Mais après des centaines d'heures de prises vidéos, le projet a grandi et nos idées et nos ambitions avec lui.
Surf Report - Comment s'est passé le tournage ?
Julen Marticorena - Pour ma part ce fut très agréable, en plus d'avoir le rôle le plus simple qui est celui d'être filmé, Arthur me connait très bien et il a su être présent dans les moments difficiles et très discret dans les phases où il fallait que je sois concentré. La prise de vue vidéo m'a permis d'avoir des retours en image qui me permettait aussi de m'analyser et de progresser.
Arthur Picard derrière la caméra
© Robin Aussenac
Surf Report - Le sauvetage, au delà de son aspect sportif, est animé de valeurs humaines, lesquelles sont les plus importantes pour toi ?
Julen Marticorena - Je dirais le partage ou la transmission, le sauvetage est une passion qu'on nous a transmise et que l'on essaye de transmettre à notre tour. L'esprit d'équipe et l'entraide sont au centre de tout cela.
Surf Report - Peux-tu nous parler de ton actualité ? Où es-tu en ce moment et quels sont tes objectifs à court et à long terme ?
Julen Marticorena - Je viens de terminer un séjour de six mois en Nouvelle-Zélande, ce qui m'a fait enchaîner deux saisons d'affilée. Je suis récemment passé par une petite mauvaise passe, j'ai donc décidé d'aller me ressourcer à Tahiti, pour voir une partie de ma famille, en attendant mon visa pour l'Australie, afin de préparer la saison prochaine là-bas. À court terme, mon premier objectif est d'arriver en Australie et de m'y installer. J'ai rencontré quelques petites galères avec mon visa mais une fois là-bas je compte reprendre l'entraînement à fond pour préparer le début de saison qui commence en septembre, avec la Coolangatta Gold. Cette course, réputée en Australie et à l'international, est un oceanman longue distance d'environ 40 km : 20 km de kayak, 10 km de paddleboard, 3 km de natation, 8 km de course sur sable. Et à long terme, j'aimerais me rapprocher du plus haut niveau du sauvetage sportif en Australie. Pour ce qui est de la longue distance, j'aimerais récupérer mon titre et découvrir de nouvelles courses comme la Carolina Classic ou la Molokai.
© Arthur Picard
Surf Report - Peux-tu nous parler de ton lien avec Biarritz, la plage du Port Vieux et la communauté du sauvetage qui évolue là-bas ? En quoi est-ce que l'environnement est adapté au sauvetage ?
Julen Marticorena - Le Port Vieux est une plage emblématique de Biarritz, située en plein centre ville au coeur d'un paysage magnifique et où évolue une communauté locale très diversifiée, surtout l'été où tout le monde se mélange. Les touristes, les sauveteurs, les locaux, le club des ours blancs et de l'école de sauvetage. C'est une plage qui vit, été comme hiver, avec les habitants qui y vont tout au long de l'année. Le Port Vieux est sûrement la plage la plus accessible et la plus calme sur la côte mais elle peut aussi être l'une des plus dangereuses, qui nous renvoie à cette image de l'impuissance de l'homme face à l'océan. Mais ça reste une plage qui permet d'apprendre à apprivoiser l'océan, l'analyser et jouer avec. C'est l'endroit parfait pour une école de sauvetage."
© Arthur Picard
Voici "Itzala", le documentaire réalisé par Arthur Picard sur son ami Julen Marticorena, pour mettre en lumière le sauvetage sportif, pour lequel ils nourrissent une passion commune. À l'occasion de la sortie de son film, nous avions d'ailleurs échangé avec Arthur sur son projet désormais disponible sur sa chaîne YouTube.
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