Samedi dernier à Seignosse, le Finistérien Thomas Joncour se voyait remettre la médaille de champion de France Masters par son idole de toujours, Tom Curren. Un moment inoubliable pour un homme qui a gardé son âme d'enfant, et se revoyait quelques années en arrière devant les chefs-d'oeuvre de films de surf parmi lesquels figuraient le triple champion du Monde. Ce titre national, il a fait du bruit en Bretagne, provoquant la joie des élèves du 29HOOD, l'école fondée par "la Jonk", et des surfeurs locaux. Un profond message de motivation, porté par un "ancien" qui consacre désormais la quasi-totalité de son temps à la jeunesse.
Surf Report : L'euphorie est-elle redescendue, quelques jours après avoir été sacré champion de France chez les Masters au spot des Guardians ?
Thomas Joncour : L'euphorie c'est un bien grand mot (rires) ! Mais c'était vraiment cool de reprendre la compétition. J'ai revu des gens que j'apprécie, d'autres que j'admire... Sur des contests comme ceux-ci, je croise des surfeurs qui étaient là trente ans avant moi, ceux qui ont écrit l'histoire du surf en France... Finalement on retrouve l'esprit originel du surf, avec des mecs qui n'ont jamais perdu cette flamme qui fait qu'ils pratiquent encore aujourd'hui.
Backside légendaire.
©Antoine Justes/FFS
C'est ce qui te pousse à endosser à nouveau un lycra, cet état d'esprit ?
À vrai dire j'éprouve même plus de plaisir qu'avant ! Le Lou Surfou, qui a organisé cette édition, a fait un super boulot. Des commentaires au top, une superbe ambiance, un excellent choix de banc de sable... Si l'enjeu est moins important que lorsque j'étais jeune, j'avais quand même envie de bien faire devant les anciens.
"Aux petits de mon école, je montre des films de Tom Curren, dont certains que j'ai piraté parce qu'ils n'existent plus !"
Au-delà de ton titre national, c'est le contexte de ta victoire qui est plus qu'original...
On se met à l'eau pour la finale et là, des dauphins sautent au large devant le soleil couchant. Gros natural mystic ! Sur une de mes dernières vagues, j'ai de bonnes sensations et je m'applique. Je la termine au bord et tous les anciens crient. Score : 9,17pts. À ce moment là je me dis : "C'est bon", mais Glenn Le Toquin replaque un air en toute fin de série, vraiment solide l'ancien. Quand je suis allé rendre mon lycra, je ne savais pas encore que j'avais gagné. Là je me dirige vers François Liets, il était à côté de Tom Curren.
Qu'est ce qu'il t'as dit, Tom ?
Ceux qui me connaissent savent que c'est mon idole. Aux petits de mon école, je montre des films de lui, dont certains que j'ai piraté parce qu'ils n'existent plus ! Grosse fan attitude. Il est là, assis par terre, et je le salue. Il me dit que j'ai bien surfé sur ma dernière gauche et me félicite pour mon surf backside. À ce moment-là, je me suis cru dans Wayne's World, cette comédie américaine que je regardais plus jeune. Il y a une scène où les personnages principaux, Wayne et Garth, rencontrent pour la première fois le chanteur Alice Cooper, leur légende, et ils se prosternent devant lui en répétant : "On ne mérite pas, on est tout petits !".
Et que lui as-tu répondu ?
Je lui ai dit tout le bien que je pensais de lui, ce qu'il avait fait pour le surf et pour moi. "Searching for Tom Curren", les épisodes "The Search", "Litmus", ce clip un peu hipster sorti en 1998 qui était une sorte de révolution pour l'époque... Par ce qu'il a accompli et réalisé, il a joué un rôle important pour moi et j'étais soulagé de pouvoir le lui dire. Des fois, t'as pas l'occasion d'exprimer aux gens tout le bien que tu penses d'eux. Et Tom, il s'est retrouvé devant un espèce de mec de 37 ans, qui mesure 1.90m pour 85 kg, et qui est en train de l'encenser comme s'il en avait 12 : "T'es trop la légende mec !". Ça devait être bizarre pour lui, il avait l'air un peu gêné, mais moi j'étais le mec le plus heureux du monde.
Le podium final des ces championnats de France en catégorie Masters.
©Antoine Justes/FFS
Tu garderas un sacré souvenir de ces championnats...
Quand tu es jeune, des jours inoubliables, t'en vis des centaines. Mais moi, la dernière fois que j'ai vécu une journée pareille, ça me ramène 7-8 ans en arrière avec Ian Fontaine, lors d'un trip aux Mentawai où on a eu des vagues parfaites. L'ambiance n'avait rien à voir, mais ça fait partie des meilleurs moments de ma vie, ceux dont je me rappellerai dans cinquante ans.
"J'ai eu tellement de message... J'avais l'impression d'avoir remporté le titre de champion du monde (rires)"
Et au-delà, c'est un joli message envoyé aux jeunes bretons et aux élèves de ton club, le 29HOOD. Comment ont-ils accueilli la nouvelle ?
J'avais l'impression d'avoir remporté le titre de champion du monde (rires). Hier, j'avais un cours et je suis allé chercher mes élèves au lycée Laennec de Pont l'Abbé (Finistère). Ils sont arrivés en courant et en criant. C'était génial. Limite, c'est une victoire qui représente plus pour eux que pour moi, mais c'est surtout ma façon de leur dire : "maintenant, c'est à votre tour."
Dans le dernier épisode d'Impact Zone, Ian Fontaine évoque cette notion de "jeune et d'ancien" que tu as toujours portée et inculquée...
Le surf c'est intergénérationnel, ce qui n'est pas forcément le cas dans d'autres sports. Les pratiquants vont atteindre un pic de performance à 25 ans, puis vont décliner. Dans d'autres disciplines, les jeunes se donnent à fond et une fois le bac en poche, ils arrêtent. Le surf, c'est différent, les mecs qui aiment vraiment ça, ils en font toute leur vie. Je connais des types qui travaillent sur Paris et rentrent sur la côte pour surfer tous les week-ends... C'est prenant !
Quel rôle ont joué les anciens pour toi ?
Moi je surfe tous les jours avec des anciens, des types qui étaient déjà à l'eau quand je prenais mes premières vagues, et qui le sont toujours aujourd'hui. Et ça j'essaie de le faire comprendre aux jeunes. Des anciens ont veillé sur moi à une époque, que ce soit en Bretagne, à la Réunion ou dans le Pays basque. Michel Plateau, Christophe Mulquin, Bertrand Pièce, Didier Tirilly pour ne citer qu'eux. C'était des personnes que j'admirais, car ils connaissaient le surf et que moi j'apprenais. Les anecdotes, les histoires contées au coin d'un parking, j'ai toujours aimé ça. Ce passage de témoin, il fait partie intégrante du surf.
T'as fêté tes 37 ans au cours de l'été, dans quel état d'esprit es-tu aujourd'hui ?
Comme tu le monde, tu as des hauts et des bas. Je vais encore devoir me faire opérer des oreilles cet hiver par exemple. Mais la motivation, elle fait partie de ma personnalité. Je n'ai jamais vraiment arrêté le surf, même si on parle moins de moi aujourd'hui qu'à l'époque de Kanabeach. Maintenant, transmettre et coacher, c'est mon leitmotiv. Je suis toujours au contact de la jeune génération bretonne : Tom Goasguen, Aurélien Buffet, Hugo Tosetti, Titouan Canevet... Ça me pousse à continuer et plus je surfe, plus je constate que je ne comprends rien au surf. Au fil du temps, tu corriges des tas de petits détails, des défauts de mouvements, de placements - même un orteil sur lequel t'as trop poussé -. J'en apprends tous les jours, dans les planches, dans le shape, dans le travail grâce à la vidéo... Il y a un mille et une façon de s'améliorer.
Lors du Junior Pro La Torche, où l'un de ses jeunes, Aurélien Buffet, a été l'auteur d'un joli parcours.
©Camille Le Saux
Et au-delà tu es impliqué dans d'autres projets, notamment celui de la SNSM de Penmarc'h...
Oui là où j'habite, c'est une terre de marins, et les sauveteurs en mer, c'est une institution. Ils étaient là bien avant moi et le seront aussi bien après. À la SNSM, je fais partie d'une équipe de gars qui ont passé leur temps sur l'océan. J'apprends beaucoup, car nous, surfeurs, on connait la mer dans la zone des 300m. Mais eux c'est bien au-delà. Grâce au fait d'avoir vécu au bord de l'océan, on a acquis un certain savoir. Et s'il n'y a pas autant d'accidents en mer aujourd'hui, c'est notamment grâce aux surfeurs qui viennent à l'aide des baigneurs, des promeneurs, et d'autres pratiquants. La SNSM, c'est une manière pour moi d'utiliser ce savoir et de le mettre à bien. Avec mon école, le 29HOOD, ce sont mes deux activités prenantes. Je m'y consacre à plein temps, et j'essaie de le faire le mieux possible.
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