Romuald est photographe de surf, il était au coeur du Surf Ranch pro il y a quelques jours. Cette étape mondiale était une première historique dans l'histoire de la WSL: les meilleurs surfeurs du monde se sont affrontés sur une vague artificielle, identique pour chaque passage... Romuald explique son ressenti après cette compétition si particulière, peut être ainsi aurez-vous un nouveau point de vue, de la part d'un photographe présent sur les lieux...
Qu'est ce que l'inconnu ? Quelque chose d'autre, tellement "autre" qu'on doute qu'il puisse un jour être l'avenir. Quelque chose d'anormal, indéterminé par nos normes. Un inconnu qui vit avec d'autres repères, mais au final, a-t-il tout d'être différent ?
C'est à cette interrogation que l'élite mondiale est venue chercher une réponse ici dans le désert en Californie. Comme une véritable inconnue qui nous ouvre ses portes à un avenir différent, la vague de Kelly Slater a déferlé pour la première fois sous les pieds des surfeurs de la WSL pour une étape officielle du CT. Désormais, les piscines à vagues commencent à émerger dans les endroits les plus improbables; et la possibilité d'offrir une vague aux urbains n'est plus utopique. Même le champ de mars sous la Tour Eiffel commence à faire rêver des surfeurs... Mais est-ce vraiment le futur ?
Une vague "sans faille" pour un surf sans faille
Stephanie Gilmore
Perdu au milieu de la communauté paysanne mexicaine, en plein désert californien, Lemoore a attiré l'attention de tous les surfeurs de la planète puisque s'y déroulait une première historique: une compétition WSL dans une piscine à vague artificielle. Sous une chaleur écrasante, à plus de 40 degrés, les meilleurs surfeuses et surfeurs mondiaux se sont affrontés seuls face à une vague générée par un train lancé à pleine vitesse dans un bassin de 800 mètres de long et 150 mètres de large. La Victoire de Carissa Moore et son surf puissant additionnée à la victoire de Gabriel Medina et son surf aérien nous livrent déjà un premier indice : la puissance de la vague et sa longueur ne laisse pas de répit au surfeur, à court physiquement et techniquement. Pour gagner il faut être complet dans son surf et avoir une condition physique irréprochable puisque la vague ultra technique ne laisse pas de place à la moindre faille.
Un défi physique et technique
Johanne Defay prend le Taxi pour remonter au Lineup
Sous ses faux airs de vague parfaite, celle-ci est très complexe à surfer et très loin loin d'être à la portée de tout le monde... L'oscillation de la taille de la vague est en effet surprenante et le manque de visibilité du déroulement peut être déstabilisateur. Vous ne voyez rien défiler devant votre nose. Les bases du surf sont totalement refondues vers des repères inconnus : vous ne surfez pas à droite ou à gauche mais tout droit... Le bruit de l'océan est remplacé par un bruit assourdissant que génère le train et vous êtes lancé à pleine vitesse constante dans une vague qui varie entre une face plate et au centimètre près devient une section creuse. Vous n'attaquez pas la vague, c'est la vague qui vient vers vous et ne vous laisse que quelques mètres pour exprimer votre surf. Votre sens marin acquis depuis vos premiers drops sur un malibu n'a plus sa place.
La droite est la vague la plus difficile à surfer puisque vous alternez 3 sections découpées en deux : section plate et tube et le tout sur 800 m !! La gauche, elle, est davantage réservée aux manoeuvres rapides avant de se déterminer par une minuscule section à tube... Ce qui en compétition avantage clairement les adeptes d' aerials...
Un train-train différent des compétitions classiques
Les fondamentaux stratégiques de la compétition sont, d'ailleurs, ici obsolètes puisque vous êtes seul au line up. Pas de stratégie de placement en fonction de l'adversaire ni du fond que vous offre le plus beau bowl; vous attendez sagement près du grillage que le train daigne vous prendre. Tout le monde a la même vague et cela à raison de 6 droites et 6 gauches pour se qualifier au round final. Vous bénéficiez donc de 4 minutes de repos entre l'aller et le retour de la machine pour vous exprimer chacun votre tour par groupe de 3 surfeurs; ce qui incombe aux deux autres surfeurs restants sur le bord de la piscine de s'étirer au maximum puisque le défi physique intense imposé par la vague ne vous donne qu'une seule chance. Vous n'avez donc qu'une vague et votre corps ne s'est pas mis en action normalement puisque vous n'avez pas effectué votre remontée au pic habituelle... La sensation d'arène est assez troublante puisque le surfeur est comme lancé dans un enclos face à la bête. Le système de notation des juges est lui aussi bousculé puisque la vague est la même pour tous, pour se démarquer, un chronomètre est déclenché pour le temps passé dans le tube mais pas seulement... La fluidité, le flow, et les enchainements techniques laissent place à un enchainement rapide de manoeuvres les plus variées possible.
Au final, peut-être que la seule vague glassy de la journée, générée par une machine, a de quoi faire rêver. La présence au Surf Ranch de grands noms du surf comme Mark Cunningham, chef des lifeguards sur le North Shore, démontre très clairement que la communauté surf est loin d'être insensible à ce virage proposé par la WSL...
Pourquoi un homme qui voue sa vie à l'Océan se retrouve-t-il là au bord d'une piscine à regarder une vague sur écran géant au milieu de nulle part? La réponse semble simple : l'Homme, et plus particulièrement le surfeur, est par essence avide de nouvelles découvertes, de limites à repousser, d'échanges, et cet inconnu artificiel interpelle sa curiosité au point de bouleverser l'avenir de son sport. Mais seul lui à sa propre réponse. Cela dit, lorsque l'on entend Parko, éliminé, dire à la sortie du bassin vouloir maintenant aller surfer; on obtient je pense, une partie de la réponse ...
Romuald Pliquet
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