Le surf était sans doute pratiqué avant sa découverte, au 18e siècle, dans les archipels polynésiens où il apparaît comme une activité répandue et hiérarchisée probablement depuis l'an 1000. Cependant, c'est bien durant l'année 1778 que les premières traces d'une histoire du surf s'inscrivent dans les récits de marins tels le lieutenant King, sous les ordres du capitaine Cook, dans les îles polynésiennes du Pacifique. Les autochtones, hommes, femmes ou enfants glissant sur l'eau au moyen de planches de bois et au gré des vagues, fascinèrent alors ces observateurs.
Dans la tradition hawaïenne du he'e nalu, le surf est d'abord l'activité des alii? l'élite locale polynésienne. Au milieu du 19e siècle, le surf est banni par les missionnaires qui le considèrent comme un acte culturel immoral, pratiqué sans distinction de sexe et dans le plus simple appareil. Ainsi ce sport prend son véritable essor qu'au début du 20esiècle sous l'égide de son premier « ambassadeur », par ailleurs excellent nageur, l'hawaïen Duke Paoa Kahanamoku. Adulé, le champion olympique du 100m nage libre (1912) lance une véritable mode pour étrangers depuis la plage de Waikiki ? Hawaï ? la même année.
L'Australie et l'Amérique du Nord découvrent ainsi le surf, cependant il faut attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale, et la venue d'une poignée de californiens sur le North Shore de l'île d'Oahu pour assister à sa généralisation progressive dans le monde. Celle-ci rime avec la naissance d'une surfing way of life? à la fois mode de vie et contre-culture politique et sociale, opposé à l'american way of life, s'exporte hors des États-unis, et en Europe notamment.
Cette activité sportive, qui dépasse de loin l'exercice physique pourtant exigeant, touche également au psychisme de l'individu, à son rapport à la nature et à l'existence. C'est un jeu individuel, qui se pratique en mer ou à l'océan, laissant une large place à l'incertitude. Ainsi peut-il « [?] être perçu comme une épure des sports de glisse puisqu'il se joue dans un mouvement perpétuel où la vague et sa pente ne sont jamais les mêmes »(Augustin, 1994). Si les planches de surf étaient historiquement lourdes et longues au début du 20e siècle ? les alaia, elles sont devenues plus fines et légères ? à l'image du thruster la fin des années 1970 ? grâce à l'usage de matériaux innovants. On surfe ainsi aujourd'hui sur des longboards (plus de 2,75m), des shortboards (entre 1,80m et 2,50m environ) pour plus de réactivité dans l'eau, et des planches de formats et matériaux multiples ? en bois, résine, fibre de verre ou plastique ? et accessoires ? une ou plusieurs dérive(s) notamment ? adaptés à différentes conditions de vagues.
Le tow-in, consistant à surfer les pieds fixés à la planche grâce à des foot-straps, exige des planches légères, souples et résistantes à la fois, pour affronter des vagues gigantesques. Le bodyboard est une variante assez proche du surf par la glisse qu'il procure. Concurrent direct du « sport des rois »(J. London) à l'aube des années 1980, le bodyboard demeure une pratique aquatique "alternative" au même titre que le skimboard, le kneeboard ou, plus en vogue récemment, le stand up paddle?
Pour le plus grand nombre, le surf s'effectue hors du cadre institutionnel des fédérations sportives existantes. « Dé-localisé » par essence, car il se pratique au-delà des frontières humaines, il est pourtant marqué par des repères identitaires et territoriaux qui rappellent ses origines claniques. Cependant, le surf offre une liberté d'exercice et d'appréhension ? gratuite ou en compétition réglementée ? qui a peu d'équivalent dans les sociétés modernes.
L'aîné des sports extrêmes s'est affirmé en tant que lieu de dépassement de soi et quête de perfection physique ; ce à quoi les différents circuits masculins et féminins, juniors et adultes, amateurs ou professionnels, ont répondu par le déroulement de compétitions, dont le légendaire Pipeline Masters ? à Oahu, Hawaï ? constitue le point d'orgue du Championnat du monde professionnel annuel. Si les grandes marques de surf wear, Quiksilver, Billabong, Rip Curl ou O'Neill (plus en retrait) consacrent les champions les plus titrés depuis les années 1960 ? Farrelly, Young, Richards, Curren, Fanning ou Slater ?, les géants anglo-saxons du marketing surf donnent également leurs noms aux compétitions internationales de l'Association of Surfing Professionnals (ASP).
A l'image de la « reine de Makaha », l'hawaïenne Rell Sunn, les femmes n'ont jamais été absentes de « l'univers surf », même si les « majors » misent plus sur le girl surf wear que sur les exploits des Silvana Lima, Stephanie Gilmore ou Carissa Moore. Cependant, passée l'euphorie de la fin des années 1990 et l'explosion de la dimension féminine des sports (extrêmes), le surf business semble avoir jeté son dévolu sur les femmes, cible idéale et fructueuse d'un marché vestimentaire en plein essor, mais également pratiquantes passionnées ? et parfois militantes ? face à la misogynie latente de l'univers surf. Ainsi, en proie aux errements et crises existentielles des contemporains, cette activité « jeune » et mixte dans sa dimension culturelle de masse, touche aujourd'hui, à travers des prolongements mercantiles conséquents, des aires géographiques fort éloignées voire antagonistes ? le littoral, la cité urbaine?
Ce paradoxe existe notamment en France ? berceau du surf européen ? et précisément en Aquitaine où le surf s'est répandu, à l'orée des années 1950, sur la côte basque. Les pionniers s'appelaient alors Hennebutte, de Rosnay ou Barland et les initiés se répandirent progressivement de Biarritz à Hourtin, en passant par Anglet ou Hossegor. Par l'étendue de son littoral aquitain (230km) mais également vendéen, breton ou encore méditerranéen, le surf hexagonal s'est progressivement imposé au point d'accueillir de nombreuses compétitions internationales dont la première en 1979, dans la station balnéaire girondine de Lacanau.
Aujourd'hui, le nombre de licenciés et pratiquants ne cesse d'augmenter à la faveur d'une génération exceptionnelle, dont les chefs de file se nomment Michel Bourez ou Jérémy Flores ? respectivement originaires de Tahiti et La Réunion. Au début du 21esiècle, le surf est désormais une pratique connue, certes peu médiatisée, qui se distingue notamment encore par une mode vestimentaire codifiée quoique de plus en plus en phase avec les tendances contemporaines, dont la question écologique semble désormais un des principaux enjeux de son développement (extra) sportif. Et si l'imaginaire filmique des Endless Summer de Bruce Brown continue de bercer son lot de passionnés, des associations telles Surfrider foundation militent pour la protection des océans face à un surf business florissant, dont le rôle dans la sauvegarde de l'environnement culturel, sportif et humain sera déterminant.
Références bibliographiques :
- J-P. Augustin (dir.), Surf Atlantique. Les territoires de l'éphémère, Éditions de la Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, Talence 1994.
- B. Brown, D. Kampion, L'Histoire du surf, éd. Taschen, Cologne 2003 [1997].
- G. de Soultrait, Le Monde du surf, éd. Minerva, Genève 2005.
- L'Entente du mouvement, éd. Vent de Terre, Guéthary 1995.
- Pour un concept d'intégrité, éd. Vent de Terre, Guéthary 2000.
Remerciements : Clément PUGET
Crédits Photos : vagueo / plus2sport / Leroy Grannis
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