Surf - Une brêve histoire de la découverte de Mundaka

Le mythe d'une vague parfaite ancrée dans un petit village de pêcheurs basques.

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©JAVIER AMEZAGA/SURF TO LIVE

"Les idées de voyage jaillissent au cours d'un précédent périple", écrit Sylvain Tesson dans son ouvrage Berezina. Une phrase introductive qui précède le récit d'un voyage de mémoire entre Paris et Moscou, deux siècles après Napoléon, et pourrait également figurer sur la première page de la fabuleuse histoire de Mundaka.

À la toute fin des années 1960, deux Américains quittent la Côte basque après y avoir écouler les chaudes journées d'été, et échangent leurs quelques francs restants pour des pesetas espagnoles. Si Biarritz jouit déjà d'un rapport ludique à la plage et que les vagues de la Barre (Anglet) ou de Lafitenia (Saint-Jean-de-Luz) font écho par-delà les frontières métropolitaines, le potentiel en Hegoalde (Pays Basque Sud) est encore méconnu.

Après deux mois dans le Sud-Ouest de la France, les deux surfeurs d'outre-Atlantique prennent la direction de Guernica, une petite ville industrielle de Biscaye. Avec seulement quelques billets en poche, ils font une croix sur le confort de la voiture et investissent dans deux mobylettes bon marché pour traverser le territoire. "Après une bonne semaine de balade épique agrémentée de crevaisons et d'indigestions, nos globe-trotters ont sans doute vécu le plus beau jour de leur vie", écrit Baptiste Sarthou dans les colonnes du sixième numéro de Surf Session.

Al Hunt, Mundaka (1977).

Si l'histoire n'a pas remis la main sur de potentielles images d'archives qui auraient immortalisées l'instant, on peut facilement imaginer et visualiser la composition du tableau : une houle consistante gagnant le littoral de la mer Cantabrique. De longues lignes surgissant entre l'ermitage de Santa Catalina et l'île d'Izaro puis heurtant de massifs bancs de sable qui ont profité de la saison estivale pour s'engraisser, entre la rivière Oka et l'Océan Atlantique. Enfin, deux hommes faisant face au spectacle, à la fois épuisés par les circonstances de leur périple et électrisés par leur découverte.

Au fil des années, si l'information ne circulait pas aussi vite qu'aujourd'hui, la rumeur d'une vague parfaite à deux pas de Biarritz ne tardera pas à trahir la confidentialité de ce petit village de pêcheurs et sa cité pittoresque. En 1973, un numéro de Surfer Magazine consacre une double page à la beauté iconographique de Mundaka et les lecteurs posent les yeux pour la toute première fois sur cette vague de classe internationale et son décor authentique. Malgré tout, le line-up du joyau basque conservera son caractère vierge pendant plusieurs saisons. 


"La première fois qu'on s'est mis à l'eau avec Jean-Michel Vallero, tout le village est venu nous voir. Les gens étaient ébahis de nous voir aller de nous-mêmes là où de nombreux pêcheurs s'étaient noyés", racontera le surfeur basque Christophe Reinardt dans Surf Session (N°.6) Au début des années 70, Les surfeurs-voyageurs, largement inspirés par les reportages publiés dans les magazines et par l'âme vagabonde du film "The Endless Summer" réalisé par Bruce Brown en 1966, ne tarderont pas à faire de cet endroit un incontournable de leur odyssée européenne.

L'un d'entre eux, c'est l'Australien Craig Sage. Au milieu des années 1970, ce surfeur âgé de 23 ans et originaire de Newcastle, une petite ville côtière située au nord de Sydney, part à la découverte du Vieux-Continent. Alors qu'il décote un boulot de sauveteur sur les plages de Cornwall (Angleterre), un oncle écossais lui parle de Mundaka. Le 30 septembre 1980, il décide d'aller voir cette vague de ses propres yeux. Pendant plusieurs semaines avec un ami, les deux hommes se partageront une voiture, une tente et le spot.

À Mundaka, les surfeurs expatriés ont joué un rôle important en ouvrant la voie aux locaux. "Ils nous ont montré comment adopter le mode de vie parfait", raconte Jupa Soler, illustre shaper basque, dans le reportage "Made In : The Basque Country". "Ils travaillaient dans le bâtiment pendant un an, puis passait l'année suivante à surfer à travers l'Europe." 

L'une des toutes premières révolutions qu'a connu Mundaka, c'était l'avènement du thruster. Avant l'introduction de ce concept de planche à trois dérives par Simon Anderson, excellent surfeur et shaper avant-gardiste de Nouvelle-Galles du Sud (Australie), les surfeurs tentaient de rivaliser avec la vitesse de déferlement de Mundaka et son barrel qui défie le temps avec un single (une seule dérive). Une innovation qui prendra alors la forme d'une révélation à l'embouchure de la rivière Oka. 

Lors du Billabong Pro Mundaka 2008.

Les années ont suivi et Mundaka a connu un développement exponentiel. Malgré des projets de digue qui ont failli voir le jour et des opérations de dragage qui ont menacé son existence - ce fût momentanément le cas entre 2004 et 2006, lorsque des activités d'extraction de sable amorcées par les autorités locales avaient modifié le sens du courant -, l'interminable gauche continue de se dresser face au port lorsque la houle le permet. Aujourd'hui, ce sont les habitués des lieux et les surfeurs itinérants qui peuplent un pic très fréquenté lorsque les conditions sont optimales. Ce qui n'empêche aux locaux de s'emparer des bombes.

Sources : "Viva Mundaca", par Baptiste Sarthou - Surf Session N°6 (1990) | "Surf to Live", par Craig Sage (2017) | Encyclopedia of Surfing, par Matt Warshaw (2003)

Photo à la une ©JAVIER AMEZAGA/SURF TO LIVE

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