Chaque année, le nombre de cétacés trouvés gisant sur le littoral bat les records précédents. Et 2020 n'a pas dérogé à la règle, avec plus de 600 dauphins communs échoués entre décembre 2019 et février 2020, morts surtout dans le golfe de Gascogne et portant à 95% les stigmates d'accidents de pêche selon le Monde. Ces derniers temps, Jérôme Junqua a passé de longs moments sur les plages à les répertorier, alors cet instant précieux au large de la Côte Basque a fait l'effet d'une véritable récompense.
C'était hier, à l'aube d'une magnifique matinée rythmée par les belles lumières et le silence. "Nous avions prévu avec un ami de partir au large des côtes pour profiter paisiblement du lever de soleil. Nous nous apprêtions à rentrer quand notre regard s'est porté sur un banc de dauphins, alors j'ai tout de suite pris ma planche pour aller à leur rencontre", raconte ce surfeur, artiste et environnementaliste, avec des mots à peine séchés de cette session partagée avec les mammifères marins. "Pendant une demi-heure, j'ai ramé sans cesse à genoux sur ma planche, le sourire aux lèvres."
Si ce moment magique et éphémère signifie beaucoup pour Jérôme, c'est parce qu'il fait suite à un réel investissement personnel. "Je me suis beaucoup penché sur le problème de la surpêche et de ses techniques", raconte-t-il. Et si l'Aquitain de 39 ans évoque ce sujet avec de la tristesse et de la colère, c'est parce qu'il redoute un moment bien précis. "Je n'ai pas envie de me retrouver un jour devant le regard d'un enfant me disant : 'Vous étiez au courant, alors pourquoi vous avez continué ?'"
Alors ces dernières années et à sa manière, Jérôme a voulu apporter sa pierre à l'édifice. À l'occasion de "Run for Sea Shepherd", il a couru pendant deux hivers consécutifs sur une distance globale de 100 kilomètres au Nord de la côte girondine afin de sensibiliser localement au recensement des dauphins échoués sur les plages de l'Hexagone. Le tout en photographiant et en précisant l'heure et l'endroit de l'échouage afin d'envoyer ces données à l'observatoire Pélagis de La Rochelle. "C'était des moments difficiles et extrêmes, bien souvent pendant ou après des tempêtes, puisque c'est à ce moment-là qu'ont lieu les échouages massifs. Voir tous ces dauphins morts et certains mutilés, c'est triste à voir."
Parallèlement à ces interventions, Jérôme a ouvert des collectes de fond au profit de l'ONG Sea Shepherd France. Mais il l'avoue lui-même, son combat actuel est différent, même s'il a autant d'impact : "Nous devons tous nous responsabiliser. Changer notre manière de consommer, c'est la seule chose qui pourrait stopper cela."
"Dans la vie, tout est signe", écrit Paulo Coelho dans l'Alchimiste. Une phrase qui pourrait résumer cette session unique vécue par Jérôme, et qui revêt forcément une résonance particulière.
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Réalisation : Salt Water Magazine