"À contre courant", c'est le carnet de voyage d'une expédition de deux mois à travers les États-Unis. Nicolas, Charles et Guillaume, tous trois originaires de Lacanau (Gironde), nous emmènent dans les contrées froides de l'hémisphère nord du pays de l'oncle Sam, du New Jersey à la Californie en passant par la région des Grands Lacs d'Amérique du Nord.
C'est en janvier 2018 que les trois compères sont partis pour leur conquête de l'Ouest. Un projet un peu fou mettant l'accent sur une volonté de jouer avec les limites physiques et logistiques d'un surf-trip. Loin des cocotiers, des Bintang et de la foule, les trois Girondins avaient à cœur de découvrir le territoire américain à leur manière, avec une étape qui relevait de l'obsession : surfer les Grands Lacs.
Le New-Jersey comme point de départ
C'est en regardant un film mettant en scène des surfeurs dans ces grandes étendues d'eau douce formées à la fin de la dernière ère glaciaire que Charles et Nicolas ont eu le déclic. "En Gironde, il y a des grands lacs comme ceux de Lacanau et de Carcans. Quand on se balade et qu'on regarde la manière dont ils sont découpés, on se dit que s'ils captaient la houle, il y aurait des spots incroyables !", raconte Nicolas. Situés à cheval entre les États-Unis et le Canada, les Grands Lacs d'Amérique du Nord sont si vastes que lorsqu'un système dépressionnaire parcourt leurs étendues, des wind swells peuvent générer des vagues.
L'idée de cette traversée longitudinale du territoire étasunien émerge finalement lors d'un trip au Panama. "On a rencontré des gars originaires du New Jersey, et on leur a promis de passer les voir. L'occasion était belle, alors on en a profité pour parcourir les États-Unis d'Est en Ouest", témoigne Nicolas.
Au début de l'année 2018, ils gagnent ainsi cet État du Nord-Est des États-Unis qui compte quelque 210 kilomètres de côtes, au bord de l'Atlantique. Si la houle se fait timide et peine à réveiller les bancs de sable, les trois larrons profitent de chaque session. "Le paysage est assez similaire au Sud-Ouest de la France, avec des stations balnéaires, des plages de sable et de nombreuses digues. La différence, c'est qu'il y a de la neige partout et que l'eau est à 4°c." Une première étape idéale pour s'acclimater à la température de l'eau et se rôder pour contrer le froid. Car la suite s'annonce encore plus glaciale.
Les Grands Lacs comme quête initiatique
Le trio prend la route en direction de l'état du Wisconsin. C'est à Milwaukee qu'ils prennent quartier et sur les rives du lac Michigan qu'ils effectuent leur toute première session dans la région des Grands Lacs. La température de l'eau frôle alors les 0°c et la température de l'air oscille entre -10°c et -20°c. "Il faut savoir que c'est difficile d'analyser les prévisions à long terme, il faut avoir des connaissances et une certaine mobilité pour trouver des vagues", explique Nicolas.
C'est au Sud du Lac Supérieur, près de Duluth, qu'ils font la rencontre de quelques locaux, notamment Daniel Schetter alias "Surfer Dan", une des légendes du surf dans les Grands Lacs. Et c'est en les côtoyant que Charles, Nicolas et Guillaume prennent conscience de l'accueil chaleureux réservé aux surfeurs itinérants : "On n'était pas considéré comme des personnes supplémentaires à l'eau. Ils étaient heureux de nous voir débarquer et surfer sur leurs spots, de nous faire découvrir leur région et présenter leurs potes. C'est sans doute ces conditions extrêmes qui apportent cette bienveillance et cette fraternité." Censé bivouaquer dehors, les trois hommes se font régulièrement accueillir chez les habitants.
En parcourant le littoral et les spots du plus vaste des lacs d'eau douce au monde, les Canaulais savourent l'aventure qu'implique ce nouvel univers : "Tout est une épreuve. S'équiper, surfer... Par exemple, le temps de sortir de l'eau et de rejoindre la voiture, la combinaison gelait et il fallait être à deux pour la retirer. Pour être honnête, cela comprenait beaucoup de galères. Mais le plaisir offert en retour en valait la peine." Une ambiance bien différente de ce qu'ils découvriront à l'Ouest.
La Californie comme épilogue
Avec sa façade largement exposée exposé aux houles du Pacifique, la Californie ne tarde pas à dévoiler tout son potentiel aux trois Girondins. Si l'ambiance est bien différente de ce qu'ils ont pu découvrir dans les Grands Lacs, leur excitation et leur enthousiasme reste intacte. "À l'eau, c'est assez particulier. Il y a beaucoup de monde et le niveau est plutôt élevé, l'accueil était moins chaleureux", commente Nicolas.
Néanmoins, le trio pose les yeux sur l'un des centres culturels du petit monde du surf, qui a vu naître et grandir la pratique aux États-Unis : "En France, on vit dans des endroits où la culture liée au surf est présente, mais ici bien plus que chez nous, la vie est tournée vers le surf. À Santa Cruz par exemple, tout le monde pratique, toutes les catégories sociales des plus jeunes aux plus anciens. On nous a souvent dit qu'Hawaï était la Mecque, dans ce cas-là, la Californie est une 'Pré-Mecque.'"
Un voyage d'une soixantaine de jours que le trio n'est pas prêt d'oublier. Et qui les a inspiré à découvrir d'autres contrées où la rigidité du froid fait chuter le mercure du thermomètre. "Peut-être l'Alaska ou le Nord de l'Europe", lâche Nicolas.
Réalisation : Guillaume Joseph