"La mer, la pente, le bitume, ça fait partie de l'univers du skate." L'INA et ses archives inestimables a de nouveau fait fonctionner sa machine à remonter le temps. Lundi dernier, l'Institut National de l'Audiovisuel ouvrait sa grande boîte à souvenirs et publiait sur ses plateformes un reportage réalisé par les antennes de France 3 en 1977 : "Quand le skateboard débarquait en France". Proche parent du surf, une culture qui a donné son élan à ces planches en bois munies de roues en uréthane, le skate a également vu le jour au Pays Basque sous l'impulsion d'un surfeur américain (ce qui rappelle l'histoire de Peter Viertel et les origines du surf en France, voir par ailleurs). C'était au milieu des années 1960 ; un dénommé Jim Fitzpatrick emportait alors à Biarritz une douzaine de skates dans le cadre d'une tournée promotionnelle. Et puis tout s'est accéléré.
Plus que les pionniers, ce sujet initialement diffusé le 24 octobre 1977 met en scène des surfeurs qui s'emparaient d'une planche de skate lorsque c'était flat, que les vents étaient défavorables ou la marée, trop haute. Christian Casteg, Philippe Barland, François Lartigau, André Plumcoq... "C'était les années d'insouciance, une époque tranquille", nous raconte aujourd'hui Sylvain Cazenave, qui s'est remémoré l'époque en regardant plusieurs fois ce reportage qu'il n'avait jamais vu. "On allait surfer puis on prenait les palas et on se rendait au fronton ou dans les trinquets. On descendait le col d'Ibardin en skate et on se réunissait au skatepark d'Erromardie (à Saint-Jean-de-Luz, un endroit désormais abandonné, ndlr)."
Derrière sa paire de lunettes Vuarnet, on discerne à peine l'identité de ce pionnier de la photographie de surf qui réside à Biarritz (Pays Basque) depuis plus de 50 ans (voir à 1mn48). Mais lorsqu'un journaliste pose la question "Vous l'entretenez cet aspect américain ?", on reconnaît ce timbre dans la voix et surtout, une répartie propre à celui qui a signé la toute première couverture du magazine Surf Session en mars 1986. "Non, chemise polynésienne (il pointe sa chemise à fleurs), c'est pas américain. [...] On fait du sport, on ne regarde pas si c'est made in USA ou Made in France."
Cette chemise qu'il portait fièrement, Sylvain l'avait débauché à Tahiti en mai 1976. Il s'était qualifié de justesse pour les championnats de France de surf, délocalisé pour la première fois en Polynésie Française. Parmi les âmes présentes dans le reportage de France 3, il reconnaît également Philippe Claverotte et son pull siglé du numéro 18. "Il était particulièrement doué", se souvient le Biarrot à la mythique Ford Taunus rouge, qui skatait comme il surfait, en traçant des courbes et en jouant avec les trajectoires.
Comme souvent dans les histoires de pionniers, les ego se retrouvent touchés, notamment avec le titre choisi par les auteurs du reportage. Quelques réactions pointaient le fait que ces surfeurs qui faisaient du skate en attendant le bon créneau n'étaient pas les Pères fondateurs de la discipline en France. "Mais nous, on s'en foutait d'être les premiers", répond Sylvain.
Forcément, ces images issues d'un autre temps ont forcément éveillé un brin de nostalgie chez celui qui est installé au cœur de la cité basque depuis l'âge de dix ans. Lesquelles rappellent une époque révolue où Sylvain surfait quasiment seul à Lafitenia (Saint-Jean-de-Luz), parfois même avec Miki Dora, et profitait de sa liberté nocturne au Play Boy (une boîte de nuit à Biarritz). "C'était les années les plus tranquille de notre existence, sans angoisse... C'est fini tout ça. Mais aujourd'hui, malgré le Covid, la vie est belle."
Réalisation : Ina.fr avec Arnaud Fazilleau et Laurent Bouchet