Il faut le savoir pour le voir, ou au moins l'imaginer. Pointer son regard vers le large est plonger son esprit sous la surface de l'océan. Oublier le vide et pénétrer ces profondeurs pour y découvrir un monde sous-marin encore mal compris. Depuis le rivage, il est indécelable. Mais pour les âmes conscientes de son existence, le spectacle n'en demeure pas moins saisissant.
C'est au pied de l'estacade de Capbreton (Landes), une jetée en bois de 189m de long qui s'avance dans l'océan Atlantique, que repose le Gouf de Capbreton, un exceptionnel phénomène géologique. Un canyon sous-marin relié au littoral qui démarre devant le port de la cité landaise et descend dans la plaine abyssale du golfe de Gascogne à plus de 4500m de profondeur. Comme une cicatrice vivante qui sépare la côte landaise en deux. Comme une fracture géologique comparable au Grand Canyon du Colorado.
Aujourd'hui encore, en dépit des progrès scientifiques et technologiques, c'est un endroit énigmatique qui cache bien des histoires et des secrets. Ses particularités géologiques et bathymétriques sont à l'origine de la vague de la Nord à Hossegor, de la puissance de la Gravière et d'une biodiversité unique qui mélange espèces minuscules ou gigantesques.
1. Naissance
Il fût un temps où l'Espagne et Bretagne ne faisait qu'un. Mais il y a plusieurs millions d'années, de grands mouvements géologiques provoqués par l'écartement de la plaque tectonique européenne ont conduit à l'ouverture du golfe de Gascogne en séparant les plaques ibérique et armoricaine. Le Gouf de Capbreton et ses innombrables ramifications sont nées. Il débute à quelques centaines de mètres des plages et s'enfonce à quelques dizaines de mètres seulement. Plus on prend le large, plus on s'engage vers les profondeurs du Gouf. Il s'étend en éventail sur 300 kilomètres, parallèle à la côte espagnole, jusqu'à la hauteur de Santander, et rejoint la plaine abyssale.
2. Biodiversité
Ce qui fait la richesse du Gouf, c'est une biodiversité unique en son genre. Au coeur du canyon séjourne plus d'une vingtaine d'espèces de mammifères marins et une quinzaine d'espèces de requins. On y trouve également des visiteurs inattendus, de plus en plus nombreux avec l'impact du réchauffement climatique, et quelques créatures mythiques comme le calmar géant.
Les dauphins et les baleines font également partie du patrimoine local, et rappellent le temps où Basques et Capbretonnais chassaient encore la baleine franche. Le golfe de Gascogne et les eaux poissonneuses du Gouf sont un espace de migration et de reproduction exceptionnel pour les cétacés.
3. Influence sur les vagues d'Hossegor et Capbreton
Avant que l'écrivain Hugo Verlomme, auteur de nombreux articles et ouvrages sur ce canyon sous-marin, n'y voue une véritable passion en lançant des travaux littéraires et scientifiques, on ignorait tout (ou presque) de l'existence du Gouf de Cabpreton. Depuis 2006, ses recherches auprès des scientifiques, marins-pêcheurs, historiens, plongeurs et surfeurs, ont permis de lever le voile sur tout un tas de mystères. Parmi eux, l'influence de Gouf sur les vagues d'Hossegor et de Capbreton.
On doit d'abord au Gouf, la somptuosité de la vague de la Nord (Hossegor). En effet, c'est un petit contrefort de la tête du Gouf, s'élevant à 5-6m à peine, qui permet une focalisation de l'énergie de la houle. Si la totalité des spots de la côte landaise sont des beachbreaks, la vague de la Nord est considérée comme un reefbreak. Lors des grosses houles hivernales, la configuration bathymétrique du spot permet à la houle de ne pas être freinée jusqu'à sa rencontre avec cette petite falaise du canyon. Dès lors, l'onde gonfle jusqu'au point critique du déferlement, et génère un massif pic droite/gauche. La droite, creuse et tendue, est la plus couramment surfée.
Après sa phase de déferlement à marée basse ou le passage des trains de houle à marée haute, la vague de la Nord continue sa propagation vers le rivage. En se déplaçant au nord de sa zone d'influence, une reforme se transforme dans la vague de la Gravière (Hossegor) et libère toute son énergie sur un banc de sable situé à quelques mètres du bord. C'est en partie ce phénomène qui explique la puissance de ce beachbreak mondialement reconnu, qui accueillait chaque année le Quiksilver Pro France, avant que la World Surf League ne décident d'enfiler ses oeillères.
Au Sud, un cas de figure radicalement différent. Lorsque la houle est de secteur nord-ouest et atteint la plage Centrale et la plage du Prévent à Capbreton, elle passe au dessus du Gouf. Ainsi, son inertie s'enfonce dans la profondeur du canyon et les vagues perdent de leur intensité. C'est pour cette raison que les surfeurs se replient sur Capbreton quand la taille des vagues est conséquente à Hossegor.
Lire ou relire - Hugo Verlomme : "Avant on parlait d'une vague, c'est tout"