Né en 1968 d’un père breton et d’une mère polynésienne, Vetea David, connu par tous sous le surnom de « Poto », est le 1er français à avoir remporté une couronne mondiale en surf lors des championnats du monde à Newquay en 1986. Il va ensuite rapidement faire son entrée sur le circuit mondial et démontrer que le surf tahitien n’a rien à envier à son homologue hawaiien et autres grandes nations du surf. Spécialiste de grosses vagues, Poto s’est fait une réputation d’homme engagé et courageux sur des vagues comme Pipeline et Sunset. Mais sa prédisposition au surf de « gros » l’empêchera d’être champion du monde car ce spécialiste de gros tubes a souvent dû exprimer son surf sur des petites vagues ; le circuit ASP au début des années 90 était loin d’être le Dream Tour que connaissent désormais les pros du CT… Mais à Teahupo’o comme à Pipeline, il ne craint personne et est considéré, à juste titre, comme l’un des plus grands big wave riders de tous les temps... Le photographe Romuald Pliquet l'a rencontré pour Surf-Report. Profitez c'est une exclu...
Romu : Que t’as appris le surf dans la vie ?
Poto : Les choses simples de la vie. Vivre au jour le jour puisque le lendemain tu peux partir… Qu’avant tout, le réel plaisir et cadeau de la vie c’est de pouvoir glisser dans 10 mètres ou 30 centimètres…
Romu : En tant que waterman accompli, quelle est la discipline qui t’apporte le plus de plaisir ?
Poto : Le bodysurfing !! Ca te permet d’acquérir une lecture de l’Océan. Quand tu as la tête sous l’eau, tu vois les coraux, les failles ; tu comprends mieux la formation du bowl et donc tu améliores ton placement par rapport à celui-ci. Si tu peux glisser avec ton corps alors tu peux glisser avec tout ! En plus, c’est une excellente préparation physique ; c’est le sport le plus complet, à mes yeux, avec la natation et le paddle. Quand tu vois que Mark Cunningham, avec qui j’ai appris les bases, est toujours là à glisser avec aisance à Pipeline ; tu ne peux que constater que le bodysurfing est excellent pour le corps et l’esprit…
Romu : Qu’est-ce-que Teahupo’o a de plus que les autres spots au monde n’ont pas ?
Poto : C’est une vague de rêve… Depuis la zone de take-off jusqu’à la sortie, il y a deux failles ; à l’intérieur, il n’y a pas de faille. Le bowl est à 90° par rapport au reef, il faut donc bien se placer en bas de la vague pour avoir la chance de sortir du tube... Il faut garder à l’esprit que c’est le slab le plus dangereux au monde.
OSR : Quelle est la plus belle vague au monde pour toi ?
Poto : Teahupo’o par son intensité ! Pipeline est certes magnifique mais elle est très difficile par rapport à sa formation au banc de sable qui bouge sans cesse alors que Chopes est un spot de récif. Elle est parfaite tout le temps !
Romu : Tu es l’un des précurseurs de Tow In ; qu’est-ce qui a changé depuis ces dernières années ?
Poto : Il y a plus de monde à l’eau et le niveau est devenu élevé. Maintenant n’importe qui peut shooter en Tow In. Avant, ça faisait rêver… Par contre, le matériel, lui, n’a pas changé tant que ça, mis à part le shape qui a évolué un peu sinon l’outline est quasi le même mais c’est surtout le niveau des gars qui a changé…
OSR : Pourquoi t’attaques tu de plus en plus à Chopes, lors des journées de Tow In, en stand up paddle ?
Poto : Un jour, je me suis retrouvé sans jet-ski et il fallait bien y aller alors j’ai décidé de me rendre au pic et de le shooter à la force des bras pour repousser mes limites puisque c’est l’adrénaline qui me fait vibrer avant tout. Depuis ce jour, j’ai revendu mes deux jet-ski… Comme je suis surfeur de gros et que personne ne shoote du gros en SUP (4 mètres et plus..), il était normal pour moi d’être le premier et le seul à dropper ces monstres à la rame ; tout est question de mental et de « couilles »… Beaucoup de monde voit Laird Hamilton ou Raimana Van Bastolaer shooter en SUP à Chopes mais les vagues font seulement 2 ou 3 mètres pas du 6 mètres comme j’ai l’habitude de prendre... A cette taille là, tout est différent ; c’est déjà plus difficile à prendre à la rame, là tu sens vraiment l’adrénaline « au cœur du poulet » puisque tu es dans un trou énorme ! De toute façon, tu glisses aussi sur l’eau. Je dois beaucoup au SUP puisqu’il m’a remis en selle et en question ; c’est un nouveau challenge qui s’ouvre à moi et pour l’instant je suis le seul au monde à rider ces monstres… Ma ligne de vie désormais est : drop, sauver des vies et downwind en famille !
Romu : Faut-il mettre en place un dispositif particulier en matière de secours à Chopes, comme cela est fait à Hawaii ou en Australie, lors des journées de type « Code Red » ?
Poto : Evidemment mais malheureusement il n’y a rien ici. Par contre cela peut avoir un risque : les gars lâcheront la corde à 50 mètres au lieu de 100 mètres …
Romu: Quel est le surfeur du CT qui t’impressionne le plus actuellement ?
Poto : Kelly !! Pour son âge, il est encore là, chapeau !! C’est le meilleur ambassadeur du surf. D’ailleurs je l’ai seulement battu une fois en 1986, j’avais 18 ans et lui 14 ans … lol
Romu: Quels sont les changements majeurs que tu as pu observer sur le circuit ASP ?
Poto : A mon époque, on n’avait que des vagues de merde, des vagues de beach breaks sur des plages polluées car les spots se trouvaient aux bords des grosses villes ; il n’y avait pas de vagues tubulaires parfaites comme connaissent désormais les pros mise à part Pipeline (ndlr : où il a terminé 2 fois 2ème) et Jeffrey’s Bay (ndld : 3 fois 2ème). Sur ces spots là, la marée changeait beaucoup la donne… A l’époque, il y aussi beaucoup moins d’argent aussi…
Romu : Qui étaient tes meilleurs potes sur le circuit ?
Poto : Derek Ho, Sunny Garcia, Kaipo Jaquias, tous les hawaiiens qui suivaient le circuit. Mais mon idole et ma source d’inspiration était et est toujours Terry Fitzgerald puisque, aujourd’hui encore, malgré son âge il est toujours à l’eau et passe plus de temps dans l’eau que toi et moi réunis !! Aller dans l’eau, c’est recevoir de l’énergie, c’est notre maison …
Romu: D’où vient le surnom de « Poto » ?
Poto : « Poto » veut dire petit et quand j’étais petit, j’étais petit…
Romu: Tom Curren est mon idole depuis mon enfance, que peux-tu me dire sur lui ?
Poto : Chapeau ! C’est un grand monsieur, il est toujours en train de surfer au milieu des kids lors des surfs trips. C’est bien que les grandes marques de surf gardent comme ambassadeurs des mecs comme Tom (Rip Curl), Occy (Billabong) et Tom Carrol (Quiksilver). D’ailleurs je suis super fier de savoir que Tom Curren me considère comme son surfeur favori ; c’est un honneur venant de la part d’un surfeur comme lui …
Romu : Comment vois tu l’avenir du surf tahitien ?
Poto : C’est en bonne voie, ça a mis du temps mais ça y est... La fédération fait un super travail et il existe désormais plusieurs compétitions dans les différentes catégories. Il existe aussi beaucoup de clubs, c’est un vivier de talents et ça aide à la création de champions. Michel Dumont a ouvert la voie, il donne l’exemple et les autres suivent. Les kids ont faim et c’est tant mieux, ils savent surtout qu’il ne suffit pas de surfer, il faut aussi trouver des sponsors et du coup, il passe beaucoup de temps sur le net à faire leur « homeworks »…
Attention c'est l'interview rapido ...
OSR : La recette d’une session parfaite ? : 2,50m à Chopes avec mon fils à prendre des tubes
OSR : Ta boisson préférée ? : Eau de coco
OSR : Ton plat préféré ? : Ma’a tahiti (plat tahitien traditionnel à base de féculents et poissons/viandes cuit à l’étouffé dans le sol)
OSR : Un crie de joie ? : yesss !!
OSR : Un dernier mot ? : Respecter l’environnement, son prochain et l’océan
Merci Poto et Romu pour cette interview !