Envoyer des rollers à midi est la somme d’une addition de plusieurs facteurs obtenus par la relation surfeur/vague et planche. Sans vitesse, pas de rollers à midi et autres aérials JJFiens !! La réussite et l’optimisation de votre session et, aussi, la résultante d’un long travail en amont avec votre shaper. Right time, right place ok mais right board avant tout !
Ce matin, je pars donc rendre visite à l'un des shapers locaux bien connu du Fenua, Pascal « Somo » Somoikromo, basé sur la côte Est de Tahiti à Mahina. Il nous livre ainsi quelques pistes sur le bon choix de la planche désirée… Et par la même occasion, une immersion dans le monde du shape.
Romuald Pliquet : Bonjour Somo, merci de prendre quelques minutes pour répondre à nos questions. Rentrons dans le vif du sujet si tu le veux bien ; qu’est-ce qu’une bonne planche ?
Pascal Somoikromo : Une bonne planche c’est quand la planche et le surfeur ne font qu’un. Il faut avant tout que le surfeur soit satisfait de sa board et que celle-ci fonctionne comme il le veut. En fin de compte, il n’y a pas de mauvaise ou de bonne planche : les planches sont toutes bonnes à rider ; c’est le niveau et feeling du surfeur qui arrive ou pas à tirer le meilleur d’une planche …
Romuald Pliquet : Quel est, selon toi, l’élément fondamental qui différencie une planche d’une autre hormis son outline ?
Pascal Somoikromo : Le rocker ! C’est lui qui détermine tout par rapport au surfeur. Il lui donne la bascule dans son bottom ainsi que la vitesse de la planche. Plus le surfeur est puissant, plus il lui faut du kick à l’arrière. Le bon rocker c’est le secret d’une board ! En somme, le fluide du surfeur est imposé par le rocker.
Romuald Pliquet : Quels sont les avantages (a) et inconvénients (i) d’un :
Squash Tail : (a) : round square qui génère beaucoup plus de vitesse puisque plus de surface sur l’eau ; plutôt destiné pour les vagues molles. (i) : Quand trop d’appui dans le curl, il a tendance à déraper mais ça reste le tail par excellence puisque c’est le plus polyvalent.
Pin Tail : (a) : destiné aux vagues bien tendues, creuses et puissantes. Il permet de bien se caler dans le tube. Plus tu appuies sur le pin, plus celui-ci te lance et te donne de la vitesse dans les sections creuses. (i) : destiné à 99% pour les vagues creuses donc pas polyvalent.
Swallow Tail : (a) : c’est un medium plutôt destiné à des surfeurs puissants dans des vagues puissantes et creuses mais aussi dans des vagues molles. Question surf pur, je ne lui trouve aucun inconvénient. (i) : pointes fragiles.
Diamond Tail : (a) :tail rétro qui revient à la mode. Il est très amusant à surfer et accroche un peu mieux que les squashs. (i) : il ne plait pas à tout le monde en raison de sa forme bizarre. Il est aussi surtout réservé aux beachs breaks.
Romuald Pliquet : Pourquoi es-tu passé du hand shape à la machine hormis un gain de temps précieux ?
Pascal Somoikromo : Il a fallu s’adapter à la demande et à la mentalité de la clientèle, surtout à celle des jeunes. Ils se focalisent sur les grandes compagnies qui travaillent sur des machines alors pour eux, le hand shape, ce n’est pas bon … Si tu continues à ne faire que du hand shape tu restes dans le monde des « papis surfeurs » et tu risques de ne pas vendre en raison des coûts élevés et les envies des jeunes. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que si tu aimes ce que tu fais, tu feras le même boulot ! Je me suis juste adapté à la demande tout simplement. Tahiti c’est petit alors si tu ne réponds pas à la majorité des demandes, tu risques vite de fermer la porte de ton atelier… Tu es obligé de suivre le mouvement.
Les outlines et rockers rentrés dans la machine sont les miens. C’est vrai que je m’inspire un peu de ce que font les grandes compagnies mais je garde ma touche personnelle au final.
Romuald Pliquet : Y a-t-il une différence notable entre une planche « classique » et une planche pour surfer le récif ?
Pascal Somoikromo : Oui. Les rails sont plus pincés. La planche possède aussi plus de volume au milieu avec un arrière moins épais puisqu’au reef ça va beaucoup plus vite donc il faut moins d’épaisseur sur les rails et tail. Il faut que le tail coupe plus vite dans les trajectoires en raison du tempo imposé par la vitesse de la vague.
La planche idéale pour Teahupo’o, c’est au moins une 6’4 ou 6’8 avec une bonne épaisseur au centre et au niveau du torse avec des rails très pincés. Un rocker medium à l’arrière et prononcé au nose, full concave de préférence et bien évidemment un pin tail.
Romuald Pliquet : Quels sont les changements importants que tu as pu observer dans le shape depuis tes premiers coups de rabot ?
Pascal Somoikromo : Les changements importants ont été apportés au niveau des rockers surtout au niveau des customs. Aujourd’hui, nous avons plus de facilité à travailler les rockers pour les adapter à la demande des clients. Les rails ont eux aussi beaucoup évolués ; pour preuve avec le retour des planches rétros avec un affinage des rails qui rentrent davantage en arrondi sous la carène.
Romuald Pliquet : Nous savons que la relation shaper/surfeur est primordiale dans la réussite de ce dernier ; ne regrettes-tu pas que Michel (Bourez) soit chez Firewire au lieu d’un shaper tahitien ?
Pascal Somoikromo : Oui bien sûr mais c’est difficile pour une question de finances. Aucun shaper local ne peut supporter un tel investissement, c’est impossible de fournir un nombre important de planches gratuites pour un surfeur qui suit le CT. C’est un budget qu’on ne pourra jamais rattraper.
Néanmoins, c’est satisfaisant de constater que lorsque Michel est au Fenua en freesurfing, il ride encore avec des planches de Dave Kelly. Maintenant, c’est vrai que je serais fier qu’il surfe sur le tour toute l’année avec des planches d’un shaper local aussi pour montrer au reste du monde, qu’ici à Tahiti, nous savons faire des bonnes planches.
Romuald Pliquet : Jeremy (Florès) a affirmé à maintes reprises l’année dernière avoir mal surfé pendant les contests puisqu’il n’avait pas réussi à trouver de bonnes planches ; depuis le Quik pro il a encore récemment testé les boards de Kelly, qu’est-ce que cela t’inspire ?
Pascal Somoikromo : A son niveau, ne pas trouver de planches le correspondant, c’est un peu dur à comprendre. Peut-être a-t-il trop de planches et il n’arrive plus à choisir ? Peut être reste t-il aussi trop focalisé à trouver la "magic board" alors qu’elle est déjà sous ses pieds ? Je pense qu’il devrait rester concentrer sur son surf.
Romuald Pliquet : Quel est selon toi le quiver idéal ?
Pascal Somoikromo : Si les finances le permettent, l’idéal serait de posséder 5/6 planches : une 5’8 fish evolutif, une 6’0 pour la vitesse et surf pour les vagues moyennes, une 6’2 pour le reef avec swallow pour surfer jusqu’à 2 mètres, une 6’8 pour les vagues consistantes aussi bien pour beach break ou reef pour partir avant tout le monde et bien accrocher la vague et enfin une 7’2 avec pintail pour grosses houles.
Romuald Pliquet : Les jeunes surfeurs rêvent tous de devenir pros du CT ou shaper mais ils en oublient que ce métier est avant tout de l’artisanat ; quels conseils leurs donnerais-tu ?
Pascal Somoikromo : Il faut avant tout aimer et comprendre son travail. Avoir une vision personnelle du shape. Ne pas se focaliser sur ce que font les grandes compagnies. Il faut qu’à travers la planche, on reconnaisse ton image et ta personnalité.
Romuald Pliquet : Tous les grands shapers ont un ou plusieurs modèles de référence qui identifie leurs coups de rabot (Black Beauty pour Al Merrick, Bluegill pour Tom Wegener , ..) ; et toi, as-tu une board qui porte ta patte ?
Pascal Somoikromo : La STM : Somo Taumata Model. Tout est parti de cette board et de ma relation avec Taumata Puhetini puisqu’il a su mettre les réglages finaux sur mes idées et coups de rabot. Cette board porte naturellement son nom puisqu’il a su en tirer le meilleur pour en faire au résultat final une planche magique !
Elle a un rocker différent de ce qu’on connaît puisque Taumata ne surfe qu’ici. Il est tellement complet dans son surf que la planche est aboutie à tous les niveaux. Ce modèle me sert de base pour les autres clients c'est-à-dire qu’en fonction de leur niveau, je change telle ou telle chose mais la base reste la signature de ce qui est sorti sous les pieds de Taumata.
Romuald Pliquet : Comment vois-tu l’avenir du shape ?
Pascal Somoikromo : Aujourd’hui, il y a des mecs qui maitrisent avec une certaine facilité des imprimantes en 3D; si un jour on invente des imprimantes en 3D qui utilisent une matière qui se rapproche le plus possible du polyester et avec les caractéristiques de la fibre de verre alors ça signifiera pour nous la fin... Il faut rester attentif à cette évolution…
Romuald Pliquet : Attention, c’est la question qui tue : glass fins ou box fins ?
Pascal Somoikromo : Maintenant, je suis sur box fins ! En effet, ceux-ci désormais se rapprochent de plus en plus à des quilles fixes. Autre évolution notable : ils cassent beaucoup moins puisqu’ils sont de plus en plus costauds.
Merci d’avoir répondu à nos questions Pascal (http://www.somosurfboards.pf/) !!
Alo)(a
Romu
Petit rappel : le shape d'une planche de surf est caractérisé à l'aide d'un vocabulaire précis :
• Rails, sont les bords de la planche.
• Outline, définit la forme générale de la planche
• Rocker, est la courbure générale des planches.
• Lift, est la courbure au niveau du tail.
• Scoop, est la courbure au niveau du nose.
• Deck ou pont, correspond au-dessus de la planche.
• Bottom ou carène, correspond au-dessous de la planche.
• Nose, est le nez de la planche
• Tail est la partie arrière de la planche.
• Widepoint ou maître bau, est ce qui définit le point le plus large de la planche
• Fins ou dérives.
• Stringer ou latte centrale.
Qui est Romuald ? Originaire du Finistère en Bretagne, Romuald Pliquet, vis désormais à Tahiti. Photographe, surfeur et kite surfeur, Romu à la chance de faire parti du team Naish, ce qui lui permet d'être toujours dans l'eau en fonction des conditions. Ce photographe passionné a décidé de faire découvrir son travail et d'écrire des chroniques pour les internautes de Surf-Report. Vous le retrouverez prochainement sur Surf-Report lors du Bells Beach en Australie.
Crédit photos : Romuald Pliquet