Interview - De Agadir à la Vaca XXL, Othmane Choufani raconté par ses parents.

Écosystème du Surf et Bodyboard au Maroc

- @oceansurfreport -

Alors que Othmane Choufani s’apprête à participer à la Vaca XXL compétition de grosses vagues, et représenter haut et fort le Maroc, nous vous décrivons l’ascension de ce champion à travers le regard de ses parents   

 

Quelles ont été les premiers pas d’Othmane dans le surf et par quelles étapes êtes-vous passées ?

Mr Choufani : Tous les week-ends à Agadir, tout bébé déjà, on l’amenait à la plage.

A l’âge de 5 ans il s’amusait avec le bodyboard de sa mère, et il essayait de se mettre debout.

A l’âge de 9 ans, il voulait surfer, il regardait avec passion les surfeurs et allait souvent vers les spots de surf. Il a eu sa 1ère planche à cet âge-là, et a commencé à Agadir.

Il a voulu progresser en ayant une planche plus adaptée et plus adéquate. Lors d’un voyage aux USA, il avait alors 11 ans, on a été au plus grand magasin de Surf de Floride, le « Ron Jon surf shop »,  qui s’étendait sur 3 étages. C’est là qu’il a découvert les Shapes d’Almerick, qu’il connaissait á travers ces lectures de magazines de Surf. Il a alors voulu une Almerick !

Mme Choufani : Mon beau-frère, qui vivait en Floride,  a découvert qu’Othmane était passionné par le surf. Un soir, alors que l’on regardait la télé, Othmane suçait son pouce accompagné de son petit coussin, qu’il ne quittait jamais depuis qu’il avait 5 mois. Son oncle lui lance alors un deal : « tu veux l’Almerick que tu as vu chez Ron Jon, alors si avant que tu partes des USA tu arrêtes de sucer ton pouce avec ton coussin, je t’offrirai cette Almerick « . Pour l’amour et la passion qu’Othmane portait au surf depuis son plus jeune âge, il n’a plus jamais retouchécoussin et plus jamais remis son pouce dans la bouche jusqu’à aujourd’hui !

Mr Choufani : Mon frère lui a donc offert cette planche qu’il a ramenée avec lui au Maroc et c’était parti. Nous avons toujours vécu à la mer et je surfais un peu dans les années 70 / 80, A mon époque tout ce que l’on voit maintenant n’existait pas. A Agadir on attendait que les australiens, les anglais, les américains (beaucoup de californiens à l’époque), arrivaient pour leur racheter en fin de saison leurs planches et leurs matériels avant qu’ils ne repartent.

Les planches de surf étaient souvent des « Lighting bolt », en vogue en ces temps-là, équipées d’une  dérive fixe. On surfait même pas avec des combinaisons à l’époque. J’avais donc déjà ces souvenirs et cette expérience dans le surf et je voyais comment il avait évolué et pris une ampleur professionnelle avec le temps. Ce n’était plus purement culturel comme á mon époque. Donc quand mon fils s’y est mis j’étais très heureux qu’il se lance dans un tel sport et on l’a soutenu jusqu'à aujourd’hui  sa mére  et moi, bien que je souhaitais au départ qu’il se lance plutôt dans la musique ( rire )

Mme Choufani : Moi aussi j’aime bien le surf et j’avais acheté ce bodyboard pour en faire un peu les week-ends sur la plage. Un jour il avait 4 ans et me dit «  ce bodyboard n’est plus à toi maman, il est a moi maintenant ! Il a alors commencé à prendre des vagues et il nous épatait parce qu’il se mettait debout sur le Body. Il y retournait à chaque fois malgré les taloches qu’il se prenait.

L’amour du surf est arrivé ainsi, petit á petit et d’autant plus car on était en contact avec des surfers plus âgés qui étaient comme des grands frères pour Othmane. Ils le prenaient avec eux et l’aidaient à se mettre sur la planche. On lui avait d’abord acheté une planche en mousse à l’âge de 9 ans. Et à 11 ans il commençait à aller à Surfland chez Laurent Miramon, avec sa première vraie planche, l’Almerick.

 Concernant ses études, comment vous y êtes-vous pris pour qu’il continue et persévère jusqu’à obtenir ses diplômes ?

Mme Choufani : Concernant ses études, c’était simple et catégorique : s’il y a surf, il y a études. Je ne l’ai jamais empêché de faire ce qu’il voulait et lui ai toujours dit que je respecterai ces choix de vie à la seule condition d’avoir un diplôme parce que malgré le fait que l’on soit toujours là pour lui, on ne sait pas ce que réserve l’avenir et la vie. 

 Aujourd’hui il est diplômé et vit de sa passion, comment l’avez-vous accompagné et soutenu psychologiquement et matériellement pour atteindre ce résultat ?

 Mr Choufani : A l’âge de 12 ans il était parti en France chez des amis qui vivaient dans les Landes. Il avait participé à sa 1ère compétition. Le chef du team Rip Curl, Gilles Darquet, l’avait découvert  lors des compétitions d’été, Il a alors demandé qui était ce jeune garçon car il a tout de suite vu et apprécié son potentiel et a voulu rencontrer ses parents. Après être retourné en France, Othmane et moi, on a signé son 1er contrat «  image «  pour intégrer ce Surf Team. Il été devenu son leitmotiv et á travers ses multiples voyages en France il a aussi pu également se faire connaître auprès des responsables de la fédération française de surf. C’est á ce moment que l’idée de vouloir intégrer le Pôle France Surf commencé á cogité dans sa tête !

 Comment est il arrivé á vouloir partir en France ?

 Mme Choufani : Quand Othmane m’a dit qu’il voulait aller continuer ses études secondaires en France, je suis allé en parler avec son papa, et dés le départ son père ne voulait pas. Comme nous communiquons beaucoup entre nous, je suis allé revoir son papa plus tard en lui proposant d’y aller avec lui, entre père et fils, et regarder comment ça se passe, surtout pour ne pas regretter son refus et que notre fils ne lui reproche plus tard de ne pas avoir respecté ces choix et de ne pas lui avoir donné l’occasion de faire ce qu’il voulait dans la vie sans même le laisser essayer. Nous avons alors dit à Othmane : « On est prêt á essayer mais que si ça ne marche pas ou au cas que tu n’es pas accepté au pôle France, tu feras ton lycée á Agadir, et ce serait ton mektoub ». Finalement ça a été une expérience extraordinaire pour lui qui l’a fait responsabiliser et mûrir plus tôt et surtout qu’il a bénéficié d’une formation professionnelle sportive exceptionnelle,

 Mr Choufani : J’aimerai revenir sur son acceptation au sein du pôle France.

Pendant les vacances de pâques, en avril 2007,  les championnats du monde junior se passaient au Portugal, à Lisbonne. Le chef team Rip Curl m’a alors demandé de le lui confier pour l’entraîner pendant un moment en France avant les championnats. Au Portugal, Othmane était tout le temps avec l’équipe française puisque certains faisaient partie du team Rip Curl avec qui il avait l’habitude de s’entraîner.  

Venu un soir, les membres de la fédération française me disent que mon fils les aurait sollicité pour venir au pôle France qui, normalement est strictement réservé aux français, étant donné qu’il n’y avait plus de sport études pour le surf et qu’ils ne formaient que des futurs candidats pour intégrer l’équipe nationale de France, mais comme ils le connaissaient bien,  ils allaient réfléchir comment faire pour l’intégrer. « Envoyez-nous son dossier et on verra, par contre le Lycée, il faudra directement voir avec le proviseur du lycée «  me dit Michel Plateau le DTN de l’équipe française.

Je n’étais toujours pas convaincu, mais on est reparti au mois de Juin en France, on a déposé donc déposé son dossier au lycée á Bayonne où se trouve le pôle France, ou j’ai été directement reçu par le proviseur et une  commission qui a de suite apprécié et même été surpris par la qualité de son dossier et son expression physique et orale. Le côté scolaire a été de suite accepté, restait l’acceptation de la fédération pour son admission au pôle France Surf. Au départ je n’y croyais pas trop, mais a mon insu, Othmane avait « pré – négocié » lui-même avec les gars de la fédération française, qui m’ont par la suite annoncés qu’il pourrant le prendre en hors cota sous une convention exceptionnelle signée entre la Fédération Royale marocaine de Surf et la Fédération française de Surf. La dite convention fût signée plus tard et lui a permis de vivre son aventure en France.

Tout a marché comme il en rêvait, il a été désormais le premier marocain et étranger au seing du pôle France Surf. Il a alors bénéficié de cinq années d’entraînement quotidien intense auprès de la structure la plus élevé du haut niveau surf en France, et ce pour une durée de 5 ans, entouré de coachs, de sophrologues, etc…   

Un choix difficile pour nous car il nous quittait à l’âge de 15 ans. Mais on a toujours suivi son évolution en respectant ses choix. Après son bac il est allé faire une école de commerce à Bordeaux. Nous avons alors continués à le soutenir financièrement pour ses études ainsi que pour son sport, (voyages, séjours surf,  matériels etc…) qu’il continuait a suivre en parallèle. 

 Mme Choufani : Je souhaiterai remercier et saluer très sincèrement Monsieur Kadmiri, Président de la fédération Royale marocaine de Surf et Bodyboard qui de suite a répondu présent en soutenant cette initiative et a alors signé la convention pour lui permettre de se lancer dans son aventure en France.

 S’il décide de se consacrer à 100% dans sa passion, comment appréhenderiez-vous son choix ?

 Mme Choufani : Maintenant qu’il a obtenu son diplôme, je ne serai jamais contre le fait qu’il s’y consacre à plein temps. Je n’oublierai jamais le jour où j’ai assisté à un entraînement dans les landes alors qu’il était encore au Lycée en France, un membre de la fédération française était venu me dire qu’Othmane sera un chargeur. Je ne savais pas du tout ce que ça voulait dire.

Je comprends mieux aujourd’hui et je continue á respecter son choix malgré les risques que ça présente. Ce n’est pas facile, surtout le jour où on l’a vu prendre la grosse vague à Nazaré au Portugal, nous l’avions appris plus tard par les amis et les médias et c’était très impressionnant. Ensuite il est allé surfer Mavericks en Californie, puis à Tahiti, puis au Mexique etc…  c’est toujours aussi dur de le voir surfer ces grosses et monstrueuses vagues.

Othmane était revenu pour nous dire qu’il avait besoin de la présence et du soutien de ses parents pour l’accompagner sur cette grande nouvelle aventure. Les médias l’ont ensuite nommés le « prince du surf marocain » « l’ambassadeur du Surf de la Région du Souss » tellement ses prestations étaient parfaites. Son père lui a d’ailleurs fait un Pressbook rassemblant toutes ses prestations sur presque tous les spots avec des photos et des reportages.

 Mr Choufani : Je lui ai toujours dit que s’il voulait continuer dans le surf, il fallait qu’il commence à en vivre, même si je serais toujours là pour lui en cas de besoin. Quand on aime ce que l’on fait et qu’on le fait avec passion, on ne peut que réussir.

 Comment réagissez-vous par rapport à son choix de surfer les plus grosses vagues du monde ?

 Mme Choufani : Nous avons peur mais étant donné que c’est sa passion, je préfère qu’il soit sincère avec moi et me dise les choses. Il est conscient de ce qu’il fait néanmoins. Il a un mental d’acier et son entrainement acharné et complet lui permettent d’être confiant et surtout de connaitre ses limites. Il existe un risque dans tous les sports et la seule chose que je peux faire , c’est de demander à Dieu de le protéger pendant mes prières

Mr Choufani : Même si je sais qu’il prend les précautions nécessaires pour affronter ces monstrueuses vagues á travers  ses préparations physiques, en se faisant par exemple, entraîner régulièrement par un californien spécialiste de l’apnée, qu’il surveille aussi son hygiène de vie, et qu’il est eu cinq années d’entraînements en sophrologie, durant son passage au pôle France, qu’ils lui apportent beaucoup lors de ses épreuves, je m’assure également a ce qu’il ait toujours le matériel adéquat, néanmoins le risque existe toujours, car il a en face de lui la mer !

 Que ressentez-vous aujourd’hui qu’il arrive petit à petit au top niveau ?

 Mme Choufani : Je suis très heureuse et très fière de lui. Car il est bien dans sa peau et il aime ce qu’il fait, donc ça nous procure de la satisfaction et du bonheur.

Othmane est aussi très reconnaissant envers ses parents et nous l’en remercions beaucoup.

 Quelques anecdotes ?

 Mr Choufani : J’ai été le premier à savoir que mon fils était chargeur, et l’ai vu dés son jeune âge qu’il n’avait pas peur.

Un jour, lui et son copain vont à la pointe des ancres. Ils n’y étaient encore jamais allés car c’était réservé aux professionnels du surf. Un spot où l’on venait regarder les professionnels du monde entier surfer cette grosse et longue vague.

Il avait 12 ans, voulait y entrer et a sorti sa planche de la voiture. Je n’étais pas d’accord et j’ai refusé qu’il entre à l’eau. En me retournant sur les rochers un peu plus loin, j’ai vu mon fils, la planche à la main sur les rochers de la pointe,  en file indienne pour sa mise à l’eau. Je sifflais et courais sur les rochers pour l’en empêcher, en vain. Dû á une tempête, les vagues étaient de 4m ce jour-là. Il est alors entré et a surfé sa première grosse vague, à côté de surfeurs confirmés de 30 ans en moyenne. C’était le plus jeune surfeur du spot. J’ai su à ce moment-là que c’était un futur chargeur.

 Mme Choufani : Il était avec Ramzi Boukhiam son compagnon de surf au spot Panorama, et en voulant se mettre á l’eau au pic, Othmane rate sa mise á l’eau en plein milieu de la vague qui le rabat sous le rocher et son leash s’accroche au rocher et il s’est fait trainé sur reef. On ne le voyait plus ! Je me mets à hurler, tout le village de Taghazout est descendu sur les rochers. J’étais par terre et pleuré mon fils ! Je sens soudain deux mains me saisir par derrière et entendu maman c’est moi ! A par quelques égratignures,  la combinaison déchirée et la planche cassée, il était  sain et sauf.

C’est extraordinaire car le lendemain nous sommes revenus sur les lieux pour comprendre ! Nous nous sommes rendu compte qu’il était passé par une gorge en - dessous des rochers pour remonter  plus loin par un puit. Un passage quasiment impossible à emprunter. Un vrai miracle car le père de Ramzi, paix à son âme, se rendant également le lendemain sur le spot, ne voit plus le passage par lequel il était passé, car il était bouché par des tas de galets. C’est pour vous dire à quel point ce chemin sous les rochers était étroit.

Mr Choufani :  Je me trouvais au bureau á Agadir lorsque J’ai appris l’incident et donc j’ai directement insistait envers sa maman pour le laisser retourner à l’eau et que je passerai le récupérer plus tard, de sorte á prendre confiance en lui.

 Que pensez-vous de Surf Report Maroc ?

 Mr Choufani : Je suis déjà abonné à la page Facebook de Surf Report Maroc et je suis agréablement surpris de l’initiative. Nous avons grand besoin d’un support spécialisé pour le surf au Maroc. C’est le premier site marocain de météo du surf et qui a de l’avenir. Nous serons là pour le soutenir car vous pourrez diffuser la météo des spots de notre beau pays pour l’industrie touristique du Surf, aussi pour  accompagner les jeunes surfeurs marocains et  dévoiler les jeunes talents à travers des articles, des vidéos etc…, et pour que la nouvelle génération de Surfeurs profitent des spots de ces magnifiques et longues côtes marocaines. Je vous souhaite du succès !   

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