Interview - Romuald Pliquet

Du Finistère à Tahiti

- @oceansurfreport -

Vous avez pu apercevoir son travail au travers de nombreux clichés sur le site Surf-Report et sur facebook. Mais qui se cache derrière l’objectif ? La rédac est heureuse de vous présenter le photographe Romuald Pliquet qui sera notre reporter lors du Billabong Pro Pipe Masters Hawaii.

OSR : Bonjour Romuald, merci de prendre quelques minutes pour répondre à nos questions, peux-tu te présenter pour les personnes qui ne te connaissent pas ?

Romuald Pliquet : Bonjour OSR et vous tous ! Je suis photographe de surf et vis à Tahiti. Je suis originaire du Finistère en Bretagne où j’ai appris très jeune à jouer avec l’océan. Entouré d’eau du fait d’habiter en Presqu’île de Crozon, j’ai commencé mon voyage initiatique maritime comme tous petits jeunes bretons qui habitent en bord de mer par la voile et le fameux caisson à savon : l’optimist !  Mais très vite, il a fallu rechercher la sensation de vitesse alors le catamaran et la planche à voile ont pris le relai et puis le surf est arrivé et là plus question de faire autre chose…. Ensuite, j’ai enchainé sur le kite alors que celui-ci était encore introuvable dans les shops et depuis quelques années le paddle mais uniquement en race … Mais une chose ne change pas : le surf reste toujours la priorité ! Surfer à la longue c’est ennuyant, il faut diversifier sa glisse comme son quiver et j’ai la chance de faire parti du team Naish, ce qui me permet d’être toujours sur l’eau en fonction des conditions puisqu’il est là l’essentiel : être dans l’eau !

OSR : Pourquoi fais tu de la photo ? Qu’est-ce qui t’as donné envie d’en faire ?

Romuald Pliquet : La photographie est un art qui me fascine par la puissance que peut dégager un cliché. Une peinture, une sculpture, un dessin peuvent aussi dégager et procurer une émotion forte à leur simple vue mais à la différence de la photo, elle est le fruit de l’imagination et du talent de l’artiste alors que le photographe est, lui, spectateur actif d’un moment, instant magique qui se passe à un instant T ; ce qui donne, à mon sens, une toute autre dimension…

Certaines photos ont même changé le cours de l’histoire : les vétérans de la guerre du Vietnam, par exemple, sont unanimes et disent avoir perdu la guerre le jour où ils ont vu ce sous officier vietnamien tiré une balle en pleine tête d’un vietnamien en pleine rue ; ils affirment avoir compris ce jour là à qui ils avaient affaire…

Quand j’étais jeune, mes parents ne voulaient pas m’envoyer sur les spots de surf de peur que je me noie alors il a fallu que j’attende ma mobylette pour pouvoir aller surfer. Pendant ce temps là, j’écumais les premiers magazines de surf et retranscrivais les rides de mes idoles (Tom Curren, Occy , Pottz et Fletcher) sur le bitume avec mon skate et c’est alors à ce moment là que j’ai compris que la photo de surf était une véritable invitation au voyage. Mes idoles ont très vite été associés aux photographes et mon apprentissage photographique s’est donc construit autour des photos de John Severson, Tom Servais, Don King…

OSR : Pour toi, c’est quoi une bonne photo ?

Romuald Pliquet : Une bonne photo est une photo qui parle d’elle-même sans qu’il soit nécessaire d’y apposer une quelconque légende. C’est surtout une photo qui reste gravée dans la mémoire à jamais.

Une photo peut être belle, magnifique sur un plan esthétique mais si elle ne raconte pas une histoire, elle ne sera pas une bonne photo. Par exemple, une photo d’un John John parti en late take off sur un Backdoor démentiel à la lumière d’un coucher de soleil fait saliver et rêver par l’attitude du surfeur et l’atmosphère générale que dégage le spot et la beauté de la vague mais celle-ci ne raconte pas d’histoire particulière puisque trop mécanique, peu originale quand on connait l’engagement du rider sur son spot. Par contre, une photo d’un Greg Noll seul face au shore break de Waimea, planche serré contre le corps, prise de dos, à attendre (5 heures….) une accalmie entre les séries pour pouvoir passer le shore break dévastateur et aller au pic afin de surfer ce qui est considéré, encore aujourd’hui, comme la plus grosse vague jamais surfée à la rame. Alors là, oui, ça c’est une bonne photo puisque nous l’avons tous en mémoire; elle est identifiée à Greg Noll et à son ride légendaire…

OSR : La photo pour toi c’est avant tout un plaisir ? Qu’est-ce-que ça t’apporte ?

Romuald Pliquet : Bien sûr ! C’est aussi une continuité d’une session… Un « moyen » de ne pas partir trop vite de l’océan et de rester encore un peu plus à ses côtés… Une joie, une émotion si la photo a réussi à faire voyager.

OSR : Quel est l'aspect le plus difficile de la photo de surf ?

Romuald Pliquet : Le placement, surtout en aquatique ! Le choix du bon angle en respectant avant tout la trajectoire du rider. Le photographe est un spectateur privilégié du ride et de la relation du surfeur avec la vague ; il ne doit pas gêner celui-ci et doit composer avec le reste et les autres riders présents à l’eau.

OSR : Quel est ton spot favori à shooter ? Ton plus beau line up ?

Romuald Pliquet : Sans hésitation : Teahupo’o ! Cette vague est sans détour un véritable cadeau de Neptune ! En plus de sa beauté tout droit sortie d’une superbe production hollywoodienne, il y règne une atmosphère que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. On se sent vraiment petit à son contact. La borne kilométrique indiquant le 0 à l’arrivée du spot montre bien que c’est ici que le monde réel s’arrête ; on est maintenant arrivé sur son territoire et la clé pour sortir de son cœur se trouve dans les hauteurs du sommet Rooniu…

Là c’est peut être mon côté chauvin et fier d’être presqu’îlien qui va ressortir (lol) mais c’est chez moi à la Pointe de Dinan. Ce jour là, c’était Jeffrey’s Bay à la maison. Un vent légèrement off de nord-est, une houle de nord-ouest de 3 à 4 mètres et les séries qui arrivaient par sets de 5 vagues et cerise sur le gâteau : personne à l’eau !!

Depuis, je n’ai jamais revu un line up d’une telle beauté là-bas ! Il y avait tout : seul à l’eau, un vert cristallin, des murs en droite parfait avec ses différentes sections dans la vague ; bref, un revival d’Endless Summer en Bretagne avec des phoques en plus à la place des requins sud-af’ !!

 

OSR : Tu es aussi un surfeur, Quelle a été ta plus grosse frayeur en surf ? Quel est ton meilleur souvenir ?

Romuald Pliquet : A Avalanche à Guéthary en 1997. Du haut de la terrasse, il semblait y avoir un bon 3 mètres mais une fois arrivé au pic il y avait le double … Mais j’étais décontracté ; à l’époque j’avais l’habitude de surfer du gros on shore sur mon home spot à la Palue alors un pic parfait c’était le pied ! Nous étions seulement deux à l’eau : moi et un certain Christophe Reinhardt et sa magnifique planche rouge. Il était placé plus vers Parlementia et je voyais qu’il me faisait des signes qui m’indiquaient de venir plus vers lui mais moi je croyais que c’était pour me dropper alors je suis resté placé un peu plus au sud du pic et là, la sanction est arrivée : une énorme série a décalé et m’a englouti et trainé sous l’eau sous plusieurs mètres... Quand je suis remonté à la surface, miraculeusement, je ne sentais plus mon bras, mon leash s’était entouré autour et m’avait coupé la circulation donc je me suis retrouvé seul bien au large, complètement dans l’inside avec des séries à 6 mètres et une impossibilité de plonger correctement… La panique a commencé à se faire sentir et je me suis juré que si j’arrivais à atteindre le rivage c’en était terminé du gros et j’ai réussi à rentrer … Depuis le gros c’est terminé…

Meilleur souvenir c’était à Pipeline il y a deux ans … Je voulais fêter mes 20 ans de surf alors je suis allé à Hawaii pour surfer celle qui m’a toujours fait rêver depuis tout petit : Banzaii !!

J’ai pas réussi à l’a trouver de suite, j’ai remonté tout l’étendue de sable depuis Sunset et quand je suis arrivé devant elle, j’ai tout de suite compris que j’étais en face d’elle : elle était comme je l’avais toujours rêvé : parfaite à 2 mètres et là une émotion m’a parcouru tout le corps, j’étais tétanisé, mes jambes tremblaient ; toutes les vidéos, photos et récits d’elle sont remontés à la surface, c’était incroyable comme sensation, j’ai jamais ressenti une chose pareille alors je suis resté toute la journée à l’a regarder assis sur le sable. Le lendemain matin je suis enfin aller la surfer et mon premier backdoor est venu comme pour souffler une bougie sur mes 20 ans de surf….

OSR : Tu vas être le reporter de Surf-Report pour le Billabong Pro Pipe Master Hawaii, pourquoi as-tu décidé de t’associer avec le site ?

Romuald Pliquet : Après avoir été sélectionné par XXL Billabong pour la photo de Kealii à Teahupo’o, j’ai, au détour d’une conversation, été invité par un membre de Billabong à venir au Pipe et de suite je me suis dis que j’avais envie de faire partager cette expérience et plonger les internautes de Surf Report dans le cœur du North Shore. Ca m’a paru évident, puisqu’en France après avoir checké Windguru, on check Surf Report, pour d’abord jeter un coup d’œil sur les conditions et le soir après la ou les sessions, on continue son ride en découvrant les actualités du site…

OSR : Quels sont tes futurs projets ?

Romuald Pliquet : Une exposition photo de portraits en noir et blanc sur des personnalités polynésiennes qui m’ont touché et dans laquelle on y retrouve un peu l’âme de chaque polynésien. Il y aura bien sûr un surfeur en la personne de Manoa Drollet ; local de Teahupo’o qui est, à mon avis, le meilleur sur son spot ; il y surfe avec une telle décontraction et maitrise que cela en est presque insolent ! Plus c’est gros, plus il a le sourire. Il est énorme !! Pour info, l’aito ne sort pas ses dérives en dessous de 4 mètres …

OSR : Surfes-tu sur internet et que penses tu de Océan Surf Report ?

Romuald Pliquet : Surf Report est un excellent site pour checker les conditions en live sur certains spots ! On y trouve aussi des news et surfari qui invitent aux voyages et donne des idées … Pour le vent, il y a bien sûr Windguru qui est, en général, pas trop mal. J’aime aussi Magicseaweed pour les photos et les sites de presse surf avec Surfer bien sûr …


Attention, reprends ton souffle c’est l’interview rapido, top…!

Polaroïd ou Reflex ? Polaroïd

Teahupoo ou Mara’a ? Teahupo’o !!! J

Jack Johnson ou Damian Marley ? Jack Johnson !, Damian n’a pas le talent de Robert Nesta …..

Sous l’eau ou dans l’eau ? Dans l’eau

Foster’s ou Tonnerre de Brest ? Coreff !!

Tahiti ou la Bretagne ? Joker !!! j’ai droit l’appel à un ami ou le 50/50 ???

As-tu un dernier mot ? Je tiens à remercie particulièrement OSR pour cette interview et surtout vous tous ! Enjoy your ride ! Rendez à l’Océan autant qu’il nous donne ou procure en le protégeant et le préservant !

Alo)(a

Crédit photos : Romuald Pliquet

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