Il parait que les chiffres ne mentent pas. Et ce qui semblait être une vague impression est devenu un fait avéré. Depuis le confinement, partout en France, la fréquentation des pistes cyclables a littéralement explosé. À l'issue de la première semaine post-isolement, la pratique du vélo aurait augmenté de 44% rapporte l'association Vélo & Territoires dans un bulletin. Les raisons : il permet de garder ses distances avec autrui, ne pollue pas et aide à la remise en jambes après de nombreuses semaines d'activités physiques relatives.
Mais certains n'avaient pas attendu l'épisode "Covid-19" pour sauter le pas, avaler les bornes et finir sur la jante à la quête des spots de l'Atlantique. Tirer momentanément un trait sur les véhicules du quotidien pour revenir à l'essentiel, prendre à nouveau son temps et redécouvrir les paysages de notre territoire. Quand la contrainte physique et mécanique permettent de pédaler dans la joie, ce qui s'apparente à une simple balade à deux roues devient une véritable escapade à la roots.
En roue libre
En janvier dernier Félix et Martin, deux étudiants girondins à l'initiative du projet "Wanyama", ont pris la route du Kenya afin traverser l'Afrique Australe à vélo. Leur objectif : réaliser un documentaire sur la cohabitation entre les Hommes et les animaux, et potentiellement surfer au Mozambique. Mais en Tanzanie, alors que le monde entier commençait à faire face à l'épidémie, leur voyage a pris une toute autre tournure.
"Dans un village perdu au milieu de nulle part, les locaux ont commencé à nous appeler 'Corona' et à mettre la main devant leur bouche quand on les croisait. On a compris que quelque chose n'allait pas", raconte Félix. Après avoir trouvé une connexion internet et pris connaissance du contexte sanitaire mondial, le duo a contacté l'Ambassade de France en Tanzanie, qui leur a vivement conseillé de rentrer chez eux.
De retour en France et en attendant de retrouver le chemin des terres africaines, Félix et Martin ont envisagé une solution de repli : rallier Pornic (Loire-Atlantique) à Hendaye (Pays Basque) avec les mêmes montures que sur le Continent Noir, et s'arrêter sur les spots au gré des marées, en fonction des conditions météorologiques. "Voyager à vélo, ça permet un tas de choses : revenir à quelque chose d'authentique, partager des moments de vie avec les personnes que l'on rencontre, prendre son temps...", témoigne Félix qui précise avoir opté pour l'itinéraire cyclable le long de l'Atlantique.
Exploration de proximité
Redécouvrir la façade atlantique et ses terroirs à vitesse humaine, au rythme de la nature et du soleil, rappelle l'expérience vécue par Arthur Bourbon et le photographe Laurent Gaden en octobre 2014. La fièvre du Quiksilver Pro France s'était alors emparée du littoral sud-landais, et les deux hommes semblaient davantage intéressés par le calme et la tranquillité que par la victoire de John John Florence sur la plage des Gardians.
"C'est clairement une autre vision du surf-trip. On ne passe pas son temps à checker les spots et à prendre sa caisse pour trouver le meilleur pic possible", témoigne Arthur en chantant les louanges de la Vélodyssée, cette véloroute qui traverse la Bretagne et longe l'Atlantique jusqu'à la Côte basque. "On a accès à des endroits privilégiés, entre dunes et forêts, ce qui permet d'avoir une autre notion du déplacement".
Quid de la préparation matérielle ? "Un vélo en état, un peu d'huile sur la chaîne, une vérification du dérailleur et c'est parti", lance le surfeur et filmmaker carribéen qui songe à réitérer cette expérience à vélo. Leur bike-trip de 800 kilomètres en trois semaines a donné vie à un court-métrage intitulé "La France à Bicyclette". Un mixte entre le pèlerinage et la conquête : celle de son propre pays.
L'alternative fat-bike
Un terrain de jeu au potentiel infini, de larges roues et la possibilité de checker les vagues de face : l'utilisation du fat-bike s'est démocratisée au fil des années, sur la côte aquitaine et ses longues étendues de sable notamment. En prélude à une aventure le long des côtes gabonaises grâce à ces vélos aux pneus surdimensionnés, le trio de Lost in the Swell avait parcouru la portion de littoral qui sépare Soulac de Capbreton en 2015. Et Ewen Le Goff, l'un des trois larrons, s'en rappelle parfaitement : "Ce n'était pas forcément évident car à marée haute, le sable devenait trop mou et on avançait plus. Mais c'était cool de pouvoir quitter la route et les sentiers classiques en longeant la plage."
L'avantage premier : pouvoir repérer les bons bancs de sable et juger leur potentiel en permanence. En 33 jours, les Bretons auront parcouru plus de 331 kilomètres, surfé à 16 reprises et crevé cinq fois. "La Côte Aquitaine, c'est parfait pour ce genre de trip. Et même si l'itinéraire nous est plus ou moins imposé entre la dune et l'océan, il y a vraiment un côté 'liberté' intéressant", relève Ewen.
Le bonheur au bout du guidon
"Le vélo, c'est le moyen et peut être l'art d'extraire le plaisir d'une contrainte", disait Jean Bobet, le frère cadet de Louison Bobet (triple vainqueur du Tour de France) et lui-même ancien coureur cycliste. Une citation qui traduit à elle seule l'essence du surf-trip à vélo : outrepasser les efforts, surmonter la fatigue psychologique, omettre le froid, l'humidité, le dénivelé positif, l'incommodité et offrir un caractère intemporel à une brève session acquise à la seule force de ses jambes.
Voir ou revoir :
La France à Bicyclette par Arthur Bourbon et Laurent Gaden
Lost in the Swell - Season 3.1 - Fatbike / Surf / France