Vous vous souvenez sans doute de l’article sur le mental et le surf de gros ? Noé, préparateur mental nous en dit un peu plus dans ce second volet.
"Le plus dur dans le surf, c'est les 20 premières années" - Gerry Lopez
Imaginez-vous alors ce que peut être la difficulté du surf de grosses vagues. Nous pouvons différencier deux catégories de sportifs : ceux pratiquant des sports extrêmes, mettant leur vie en danger, et les autres. Dans chacun des cas la préparation mentale doit être primordiale. Cependant, un élément très spécifique entre en jeu pour les sportifs de l’extrême : le rapport à la mort.
Pour ce qui est du big wave surfing, c’est bien souvent une toute autre histoire que d’apprendre à optimiser ses performances. Une erreur peut être fatale, et rares sont ceux capables d’affronter des monstres de plus de 6m. De nombreuses habiletés cognitives seront mises à l’épreuve, et elles devront être optimisées de la meilleure manière possible. Une fois lancé sur la vague, on ne pourra plus faire marche arrière, et si l’on panique, si l’on ne contrôle plus ce que l’on fait, cela peut être fatal. C’est dans ces moments qu’il va falloir réussir malgré la situation à gérer ses émotions, sa respiration, son attitude pour garder le contrôle de soi.
Laird Hamilton, waterman des temps modernes, est un athlète unique, qui puise dans le surf, l’océan, une force incroyable. Connu pour ses exploits, c’est un pionnier, un innovateur capable de se surpasser dès qu’il touche à une discipline. Et pourtant Hamilton n’est pas un fou furieux, et lorsqu’il prépare une aventure extrême, la situation est décortiquée dans ses moindres détails. Il s’est beaucoup construit seul mais également grâce à un entourage de haut niveau. Il possède sa propre vision des choses, mais il réussit à avoir une motivation incroyable lui permettant de réaliser des exploits impensables. S’il se prépare peut-être seul mentalement, Laird Hamilton s’y prépare à sa façon, en intégrant des aspects de base qu’apporte la préparation mentale. Nous allons détailler quelques points, afin d’aller plus loin que le simple « il faut gérer ses émotions ».
Pour rentrer un peu plus dans les détails voici donc quelques éléments sur lesquels j’ai eu l’occasion de travailler avec des sportifs de l’extrême :
L’auto-motivation :
En effet bien souvent lorsqu’il s’agit de se motiver nous pouvons être notre pire ennemi. Ce qui est important de savoir c’est que l’être humain va agir en suivant ses propres croyances. Nous avons des multitudes de croyances qui nous permettent d’interagir avec le monde. Certaines sont positives, d’autres néfastes. Réussir à les identifier n’est pas un travail si aisé. Nos croyances déterminent nos actes et ces derniers vont influer nos pensées et nos émotions. Nos pensées peuvent donc représenter un réel pouvoir, et il est possible de remplacer les pensées négatives par des pensées positives. Ainsi beaucoup de choses vont nous paraitre réalisables. Avoir cette capacité cela passe avant tout par une solide estime de soi. Cela veut dire être capable de savoir ce que nous sommes capables ou pas de faire, de savoir ce que l’on veut vraiment faire ou pas.
L’importance des objectifs va donc prendre tout son sens !
Avoir les bons objectifs :
Apprendre à se fixer les bons objectifs est une pratique essentielle dans la préparation mentale. Si le surfeur de gros aura forcément des objectifs de résultat (surfer la plus grosse vague, ne pas chuter, surfer la vague jusqu’au bout etc…) il lui faudra apprendre à se fixer d’autres objectifs, des objectifs personnels. L’équilibre entre les deux permet de diminuer les tensions et augmenter la motivation. De bons objectifs personnels permettent un accès plus facile à la réussite de ses objectifs de résultat. Se fixer des objectifs, les visualiser, les planifier dans le temps est un passage essentiel à une bonne préparation mentale.
La visualisation de la réussite :
La visualisation, ou l’imagerie mentale est très puissante que ce soit pour visualiser ses objectifs ou une action réussie. C’est un outil très utilisé dans la préparation mentale. Cela permet de donner vie à nos images, et les faire devenir réalité. Les experts médicaux en neurosciences confirment que la façon d’imaginer une situation affecte les mêmes fonctions que si l’on vivait réellement celle-ci. Imaginer le plus précisément possible une situation permet de la faire vivre, de se préparer mentalement et physiquement à la vivre. Et lorsqu’il s’agit de se lancer du haut d’une masse d’eau de 10m, s’y préparer mentalement est un passage obligatoire.
Gérer l’erreur :
Des erreurs, nous en faisons tous quotidiennement, ce que nous pouvons appeler des erreurs légères. Il y en a, et il y en aura toujours, vouloir supprimer l’erreur en est une en soi, ce n’est pas possible. Il faut donc en prendre conscience, et accepter d’avoir le droit à l’erreur en ne se donnant pas le droit de ne pas la traiter. Il faut considérer l’échec comme quelque chose qui nous rendra plus fort. C’est un peu notre meilleure ennemie. Sur le chemin de la réussite il y aura des erreurs, mais le tout est d’apprendre à les gérer. Il y a plusieurs types d’erreurs ayant un impact émotionnel plus ou moins important. Mais dans le surf de grosses vagues, lorsque l’erreur peut devenir une mise à mort, la gestion de cet aspect-là du mental devient tout de suite beaucoup plus spécial. Il faudra réussir à canaliser sa concentration, déclencher la bonne émotion et réaliser ce que l’on appelle des micro-ajustements pour rester le plus possible dans une zone de performance. Il y aura des micro-erreurs mais les surfeurs apprennent à les gérer et revenir immédiatement dans l’action. Dans le sport nous appelons, « la fluidité » ou « le flow » cette zone où nous sommes en pleine possession de nos moyens, en réussite grâce à une bonne gestion de nos habiletés mentales. Cette notion de « flow » nous pourrions en écrire tout un article, mais ce qu’il est important de se rappeler c’est que pour un surfeur de grosses vagues il faudra qu’il apprendre à gérer sa vision de la mort, et celle qu’il a avec l’erreur afin d’optimiser sa capacité à ajuster au bon moment ce qu’il doit ajuster pour rester performant.
« A un certain niveau ce n’est plus tant la technique qui va changer les choses c’est d’être là le jour J »
« Avec l’expérience je me suis rendu compte que le mental prenait part à 70% dans ma performance » Adrien Coirier freerideur professionnel
Surfer de grosses vagues est réservé aux plus aguerris, aux surfeurs les mieux préparés. Nous avons explicité ici quelques détails plus précis sur la préparation d’un surfeur de grosses vagues, sur quoi il devra travailler, mais ce n’est évidemment pas les seuls paramètres, et ce ne sont pas forcément sur ceux-là qu’il travaillera. Apprendre à évoluer avec la peur, avec la notion de la mort, optimiser ses habiletés mentales pour performer sur des vagues gigantesques reste un exploit hors du commun !
Affaire à suivre…